Le JOYA Restaurant, la nouvelle expérience Pop up du chef suédois Isak Oldenburg qui invite la nature à sa table en circuit court avec les producteurs niçois.
A 27 ans Isak Oldenburg vient de rejoindre les fourneaux de Joya Restaurant. Ce jeune suédois venu du froid cache un tempérament de feu sous ses cheveux blonds comme les blés. Portait d’un chef nouvelle génération qui invite la nature à sa table. Sinon rien !
Né à Stockholm Isak Oldenburg a grandi dans la mer baltique, à Gotland, une ile à mi chemin de la Suède et la Lettonie. « C’est un lieu de villégiature et l’une des régions les plus fertiles de la Suède. Mes parents y avaient un cottage » C’est sur cette ile réputée pour l’élevage de moutons et son agriculture bio qu’il connait ses premiers émois gustatifs. « Je me souviens encore du gout de la fleur de sureau et de l’odeur du poisson au sortir des fumoirs » Alors quand on lui parle de Nice où il a jeté l’ancre voici huit ans Isak poursuit : « En Suède la belle saison est si courte qu’on en profite pour faire des conserves, salaisons et fumages. Ici c’est toute l’année que l’on peut travailler sur une profusion de fruits et légumes frais. Tous ces microclimats de Grasse à Menton c’est une manne inespérée pour le passionné des produits de la terre que je suis ! »
Le plus français des chefs suédois
Isak est vite tombé sous le charme de ce paradis clair ou le soleil ne donne pas seulement un teint halé mais fait verdir la blette et la roquette. Après quelques allers-retours il a fini par s’installer à Nice avec sa compagne française. « Enfant, nous venions tous les étés avec mes parents chez des amis au Château de l’anglais sur le Mont -Boron » Adulte, il y reviendra souvent via un détour par la capitale qui compta dans son apprentissage « Mon coup de foudre pour les produits français je le dois à Bertrand Grébaut, le chef du Septime où j’ai travaillé pendant neuf mois.
Chaque semaine de nouveaux ingrédients investissaient le garde-manger. J’ai découvert les grandes familles de légumes. Je suis tombé amoureux des terroirs et j’ai appris à travailler le produit avec créativité tout en respectant ses vertus »
Une maitrise acquise très tôt de manière empirique car Isak n’a jamais fait d’école hôtelière. Parfaitement autodidacte il entre en cuisine dés l’âge de treize ans : « Sur l’ile il y avait un grand hôtel-restaurant très design à coté de la villa familiale. J’ai déposé un CV et il m’ont pris (rires) » Ainsi débute l’aventure de celui qui est né au pays de « Fifi Brindacier » car l’auteure de ce roman jeunesse à succès dans les années 50 est également originaire de Gotland. Le gout d’Isak s’est formé sous les bons auspices de sa mère, professeur de cuisine et d’un père titulaire d’un diplôme d’œnologie.
Une famille portée sur la bonne chère « Je me souviens du Beaufort que mes parents avaient ramené des Alpes où ils étaient partis skier. J’en mangeais tous les matins sur une tartine. J’avais 15 ans. Ce fut une révélation comme mes premières fleurs de courgettes ou la bagna cauda que me préparait ma mère quand nous séjournions à Nice. J’ai grandi avec cette passion du gout. Et si l’on veut résumer ma cuisine : mes références sont suédoises mais les produits sont français ! »
Un métissage qui valut à notre rivage cosmopolite de susciter de belles carrières étoilées parmi de nombreuses toques venues d’ailleurs. On se souvient à Nice du finnois Jouni Tormanen à la Réserve. Du nippon Keisuke Matsushima (Kei Passion) alias « le samouraï niçois ». Plus récemment c’est le Sud-Africain Jan Hendrik qui a accroché son étoile à sa table du vieux Nice tandis qu’à Menton, l’italo-argentin Mauro Colagreco, doublement étoilé, à placer en avril son Mirazur à la 4e place au The World’s 50 Best Restaurant. Est ce notre bon air entre montagne et mer qui réussi si bien aux chefs ? Isak aurait-il senti lui aussi le souffle de la terre promise ?
« Quand je suis revenu à Nice pour la troisième fois j’ai compris qu’il fallait que je reste. N’ayant pas trouvé d’établissement pour développer ma cuisine, j’ai décidé de travailler en solo. J’ai ouvert ma table d’hôte dans le vieux Nice. » Un appartement en étage prêté par la Rossettisserie. L’aventure dure deux ans autour d’une douzaine de couverts et d’un menu unique en 4 plats que le Prince Albert de Monaco himself viendra déguster en 2015. Un an plus tard « ISI » est élue meilleure table d’hôte par le Guide Fooding. Mais le propriétaire revend son affaire et Isak en rupture de ban, officie en mode Pop up au Café Marché qui lui confie les fourneaux pour le menu du soir. Depuis un mois il a intègre le JOYA restaurant, à la demande de Sandrine Mons, conceptrice du lieu et que les amateurs d’art contemporain connaissent bien.
Gastronomique et Eco responsable
Au JOYA, Isak Oldenburg a carte blanche et s’il a de l’ambition pour cette table idéalement située place du Pin, pas question pour notre viking de changer de cap ! : « C’est le produit qui m’inspire, me donne envie de créer au jour le jour. J’élabore ma carte en fonction du marché et de l’arrivage de mes producteurs. Je pars du potager pour créer. Viandes et poissons viennent en complément » Un parti pris jadis défendu par Roger Vergé, l’une des premières toques a avoir sorti le légume des seconds rôles dans son Moulin de Mougins. Les références d’Isak vont vers Michel Bras, le triple étoilé de Laguiole et un compatriote qui vécu également à Mougins : Tore Wretman (1916-2003) « C’est lui qui a amené la gastronomie française en Suède il y a cinquante ans.
Il a voyagé, émancipé, et modernisé notre cuisine. C’est notre Bocuse à nous ! » Pas une référence en l’air quand on sait que « Le Bocuse d’Or », baromètre des cuisines du monde met régulièrement à l’honneur depuis 1989 les toques scandinaves qui ont récolté pas moins de 20 distinctions en 13 éditions. Un record marqué en 2011 par un grand schlem : l’Or pour le Danemark, l’Argent pour la Suède, le Bronze pour la Norvège.
Guère surprenant que cette cuisine pleine nature, pastorale et quintessenciée soit devenue la nouvelle star du piano. Elle est en phase avec son époque et c’est précisément ce vent de renouveau qui anime Isak quand il insiste sur l’importance de travailler en produits bio, saisonniers et de façon participative « Aujourd’hui beaucoup de chefs comme moi œuvrent en lien étroit avec les producteurs. La création se fait en réseau en prenant en compte les produits maraichers dés leur conception.
Ma cuisine est d’abord un artisanat collaboratif. Je fais des essais avec des paysans qui cultivent le même produit dans la même zone. Je m’intéresse de prés aux diverses variétés, au sol, à la production. Les agriculteurs, eux même commencent à dialoguer entre eux pour offrir des produits d’exception. Tout le monde se doit d’être plus compétitif et exigeant dans ce domaine »
Un chef Eco-responsable qui, en cette saison froide, jette son dévolu sur les richesses maraîchères du cru : La courge et les coloquintes, le chou roi de Milan, la blette « dont la saveur anisée est si bien célébré par l’emblématique tourte niçoise », les navets, le panais, le fenouil, le cèleri « qui caramélise à la cuisson », les petits poireaux crayons, les champignons et la truffe noire d’hiver du Haut pays « voisine de celle de Suède ». Il adore aussi réhabiliter les légumes oubliés tel le scorsonère « une variété noire de salsifis surnommée en Suède l’Asperge du pauvre ».
Coté mer, il fait confiance à un poissonnier niçois qui lui ramène chaque matin de belles prises de ligne : dorade royale bonite, thonine « De la liche de Villefranche-sur-Mer que je prépare en carpaccio ou cuite à l’arrête sans rien. Je ne suis pas pour transformer, juste pour mettre en valeur » Coté viandes, Isak boude le bœuf « une viande très polluante, chère, sans trop de gout au final ». Il lui préfère l’agneau de Sisteron, la volaille fermière (de 90 jours minimum) ou le porc. Quand vient l’heure du dessert il n’hésite pas à convertir les légumes en douceurs : Mousse de topinambour à la vanille, de potirons à la mandarine de Villefranche. « La courge quand elle longue, je peux la faire rôtir tranchée en deux avec du caramel. L’aspect visuel aussi est important. Il faut comprendre au premier regard. La présentation aussi doit honorer le produit »
Ses prochaines créations hivernales ? : « Chou fleur rôti au beurre avec citrons et amandes, Roquette de Villefranche au lard de Colonnata de Toscane et noisettes du Piémont. Mais Isak n’en dira pas plus. Il se laisse toujours de la marge, préférant improviser au gré de la vague : « La carte de JOYA change tous les jours, je fais des variations sur le même produit en fonction de l’humeur. Je reste ouvert, ne m’enferme jamais sur des recettes. C’est le produit qui doit me surprendre d’abord pour que vous soyez surpris à votre tour ! C’est ce qui fait tout l’intérêt de la cuisine pour moi ! »
Olivier Marro