Gilbert & George, Fernand Léger même combat ? C'est en tout cas ce que donne à voir un triptyque monumental des britanniques faisant écho à une œuvre emblématique de Léger sur les ouvriers de la reconstruction française.
« Nous savons que nous ne pouvons pas atteindre l’utopie, néanmoins nous essayons chaque jour. » Gilbert & George
Comme à son habitude le Musée national Fernand Léger fait dialoguer avec son exposition temporaire le fonds du pionnier de l’avant-garde française avec les œuvres du ou des artistes invités. Deux tableaux majeurs, Les Constructeurs, peint par Fernand Léger (1881-1955) au lendemain de la Seconde Guerre mondiale d’un côté et Class War, Militant, Gateway créé en 1986 par le duo d’artiste britannique Gilbert & George, illustre un nouveau face à face.
Ce triptyque monumental (3m60 par 10 mètres pour le seul panneau central), comme le sont bon nombre d’œuvres de Léger, s’inscrit dans cette veine d’un art qui dépeint les grandes mutations industrielles et sociales de notre monde.
Gilbert & George, nés respectivement en 1943 et 1942, réussissent comme leur aîné à mêler des engagements politiques majeurs à des assemblages d’images exubérantes et d’apparence futile, ce qui rend leur message universel et accessible à tous.
La France de la reconstruction ou Royaume-Unis de la décennie Tatcher ne sont finalement pas si éloignés pour ces chroniqueurs de leur temps. On y parle industrialisation, consommation et mise au pas d’un nouvel ordre capitaliste. Chroniqueurs de leurs époque , ils parviennent à dépasser le simple contexte politique dans lequel ils vivent et créent pour donner à leurs images une dimension universelle.
Tout juste pourra-t-on noter dans la satire sociale de Gilbert et Georges – qui ne sont pas anglais pour rien – un humour décalé et subversif qu’on ne trouve pas chez Léger et qui en fait les dignes héritiers du Pop art. Les avatars de la société de consommation (slogans, graphismes publicitaires, objets logotypés) deviennent les nouveaux codes à interpréter et envahissent leurs tableaux.
« Ce triomphe absolu des choses était étourdissant. Toutes les grandes villes du monde génèrent ce type de vie trépidante. Nous en étions éblouis à l’époque, et nous le sommes toujours. Et ce sentiment a fini par constituer une partie de notre rapport à l’art » diront-ils.
Dans les deux œuvres qui dépeignent le mouvement de citoyens vers plus de liberté (y compris dans l’affirmation de leur homosexualité, thème qui leur est cher), on note néanmoins un véritable optimisme teinté d’un certain lyrisme.
« Nous étions fascinés par la lutte des classes, qui se poursuit encore maintenant : la lutte que chacun doit mener pour satisfaire ou résister au comportement que la société exige de vous. » déclarent Gilbert & George
Par Eric Foucher