Donner du bonheur aux autres. Ce n’est ni un métier, ni une vocation, mais Gaëlle Simon en est l’incarnation. Par ses histoires imagées, elle nous embarque dans sa quête de d'amour et sa soif de comprendre le monde.
Inspirée et inspirante, Gaëlle Simon est une jeune femme bourrée de talent et pleine de modestie. Après avoir travaillé cinq ans dans les coulisses du Théâtre de Nice et sillonné les routes de France, cette éternelle amoureuse des « autres » a décidé d’embrasser la carrière de photographe et vivre de sa passion en capturant des instants de vie.
D’où vous est venue cette passion pour la photographie ?
Il n’y a pas de moment précis où je me suis dit « Je vais apprendre la photographie ». Je crois que ça a toujours été une évidence. Petite, j’avais une forme d’obsession pour les souvenirs, j’adorais regarder les photos de ma mère jeune, ou de moi enfant. Je capturais ces images, sans les mentaliser.
Cette attirance pour la photo s’est concrétisée lorsque j’ai eu mon premier appareil de « pro », à la fin de la 3ème. A cette époque, je commençais à vouloir m’exprimer et la photographie était un vecteur d’expression. Puis, à la fac, j’ai collaboré avec plusieurs personnes, j’ai commencé à faire des photos de mode / pour des associations… et je suis sortie de ma zone de confort : je ne shootais plus uniquement mes proches.
Comme j’étais une enfant très solitaire, l’art, la créativité, c’était mon monde, mon échappatoire, ma raison de vivre.
Comment vous êtes vous crédibilisée dans le milieu si compétitif qu’est la photographie ?
Je me suis professionnalisée au fur et à mesure. Mais je n’ai jamais perdu de vue mon rêve, mon objectif. Ce qui a été plus difficile, c’est le fait de ne pas avoir eu de « modèle » créatif autour de moi. Dans ma famille, il n’y a aucun artiste. Personne n’a vécu de ses rêves ou de son art. C’est pourquoi j’ai toujours cru que je n’y arriverai pas. J’ai d’ailleurs privilégié la « sécurité », en me plongeant dans mes études de communication. Mais cette passion, ce besoin de créer – tout le temps – a été si fort, que la photographie s’est imposée.
Est-ce que vos proches vous ont soutenu ?
Oui, mes parents m’ont encouragé à m’épanouir dans le secteur de mon choix. Cela dit, le fait de m’auto-mettre en garde, cette forme de prudence innée face à mon avenir – je l’ai en moi. Cette petite voix qui me répète : « Et si jamais ça ne marche pas ? », il faut que je la chasse et ça, c’est un réel combat (rires).
Vivre d’un métier-passion, c’est comment au quotidien ?
Les métiers passion demandent un certain ancrage dans la réalité sinon on s’y perd totalement ! D’ailleurs, le vrai problème avec ce type de métier, c’est que l’on n’ose pas « mettre de prix ». Je ne sais pas si c’est le syndrome de l’imposteur, mais en tout cas, ça prend du temps de chiffrer son travail. C’est un métier de coeur, donc on aimerait donner comme ça, sans compter !
Que souhaitez-vous retranscrire à travers vos photos ?
J’espère toucher les personnes. Sentir que l’on a inspiré quelqu’un, qu’on l’a rendu heureux, c’est fantastique et cela va au delà de l’ego personnel. C’est le meilleur compliment que l’on puisse me faire. Sur mon compte Instagram, mon objectif n’est pas d’ailleurs d’exposer ce que je fais, mais de transmettre un message, de témoigner de la beauté de la vie.
Dans toutes mes expositions, j’ai besoin de fusion. Que les spectateurs plongent dans mon oeuvre.
Parlons maintenant de la « reconnaissance » en tant qu’artiste. Quel est votre regard sur ce sujet ?
La reconnaissance, c’est un sujet qui m’interpelle beaucoup. Lorsque des créateurs affirment « qu’ils le font pour le plaisir et non pour montrer leur travail », ça m’a toujours fait réfléchir. Je me demande : « Est-ce que je ne suis pas dingue, moi, de vouloir me dévoiler, de vouloir organiser des expositions ? ». Mais finalement le besoin de partager prend le dessus. On donne tellement de soi dans les métiers créatifs que l’on a besoin de ce retour, c’est un échange, comme une danse à deux.
Vous n’êtes donc pas en recherche de célébrité, vous souhaitez juste donner du bonheur aux autres ?
Exactement ! La question de la célébrité m’a toutefois beaucoup interrogée. Petite, c’est ce que je recherchais. J’étais tellement le vilain petit canard du groupe, la rejetée, la looseuse, que par contraste, je cherchais la gloire, le soleil. Je souhaitais compenser. Mais à un moment donné, je me suis rendue compte que c’était ma blessure d’enfance qui me guidait, et non mon coeur. J’ai donc stoppé cette « quête de succès » qui n’avait aucun sens.
Je préfère être à contre-courant et chercher l’intemporalité, l’universalité, ce qui est juste et vrai, plutôt que l’éphémère.
Quelle relation avez-vous avec les réseaux sociaux ?
Paradoxale. J’ai beaucoup de gratitude pour les réseaux, car toutes mes rencontres se sont faites via ce support. Mais ils ne doivent pas représenter notre « valeur personnelle ». Lorsque l’on a moins d’abonnés que telle ou telle personne, on se sent souvent nulle, peu crédible, ce qui est terrible. Il faut prendre du recul avec et trouver le juste équilibre. C’est d’ailleurs un sujet que j’aimerais traiter, cet autre « soi ». Bien souvent, on confond la réalité avec ce monde virtuel.
Rien que le fait que le pouce s’appelle « j’aime », c’est étrange : on quantifie l’amour !
Comment trouvez vous l’équilibre entre votre liberté créative et le fait d’essayer d’en vivre ?
Depuis quelques mois, j’essaye de distinguer mon travail artistique – où j’essaye de ne pas mettre de poids financier dessus – et mes prestations photo. Car le besoin d’en vivre peut parfois m’éloigner du sens profond de ce métier.
Parlons maintenant de votre jeu de cartes poétique, artistique et philosophique. Quel a été le processus de création ? Et comment y joue-t-on ?
Pendant le premier confinement, j’ai eu envie de créer quelque chose d’ancré dans la réalité, avec des sujets qui parlent à tout le monde : les rêves, les ombres, l’enfance, la quête de l’amour, les réseaux sociaux… J’avais envie d’aider les autres à comprendre leurs émotions, à mettre des mots dessus, tout en leur offrant un petit quelque chose qui « reste ». Comme je suis aussi une grande passionnée du tarot marseillais, j’ai décidé de mêler cette passion à mes textes. Pour y jouer, il vous suffit de tirer une carte et de voir comment le texte résonne en vous. C’est un jeu introspectif, pour apprendre à s’aimer, à se comprendre, à s’écouter.
C’est aussi pour la petite moi que je le fais, pour les enfants rêveurs, hypersensibles, qui ont du mal à gérer leurs émotions dans un monde qui peut s’avérer difficile.
Rendre ce jeu simple, ludique et accessible, était-ce une réelle volonté ?
Oui, car j’aime la vulgarisation de ce qui est compliqué. Peut être parce que je viens d’un milieu qui n’est pas du tout artistique et que je fais aujourd’hui un métier d’artiste. J’ai également du mal avec les textes philosophiques complexes. On n’est plus à l’ère des Lumières ! Mais ce n’est pas pour ça qu’il ne faut pas réfléchir, ni se poser des questions.
L’art c’est essentiel pour mettre du sens sur les choses.
En tant que photographe, quel rapport avez-vous avec votre téléphone ?
J’ai un grand amour pour la photo-téléphone, ce qui peut faire rugir certains photographes professionnels (rires). Photographier la vie avec son Iphone est bien plus simple. Il y a un rapport différent avec le téléphone, c’est de l’instantané, alors qu’avec un appareil les personnes photographiées vont se pousser… Ce que je trouve d’ailleurs très paradoxal, puisqu’aujourd’hui on a peur de l’image alors qu’elle est tout le temps présente.
Alors, tout le monde peut prendre des photos ?
Bien sûr ! Il ne faut pas s’empêcher de faire des photos parce que l’on n’a pas un « gros appareil ». Tout le monde peut prendre de belles photos. La seule chose qui compte, c’est l’émotion.
Personnellement, je vis plus l’instant que la qualité. La technique c’est juste une base, un socle. Il ne faut pas se limiter à cause de ça.
Pour ou contre le selfie ?
Je suis totalement contre le selfie, car je suis pour l’émotion, pour l’instant. Les souvenirs doivent être capturés par des personnes car lorsque l’on se prend en selfie, on n’est plus vraiment soi.
Est-ce difficile de vous voir en photo alors que vous passez votre temps à shooter les autres ?
Ça dépend. Il y a un profil que je déteste (rires). Je dois admettre que je fais très attention à mon image, je ne sais pas si c’est une déformation professionnelle, mais je veux être à mon avantage. En même temps, j’essaye de rendre les gens beaux, alors j’aimerais qu’on me rende la pareille (rires).
Comment trouvez vous l’équilibre entre l’avis de votre client, sur un portrait par exemple, et votre regard d’artiste ?
Peut être est-ce en raison d’un trop grand respect pour la personne prise en photo, mais je fais parfois trop primer le regard de l’autre sur lui-même, au lieu de mon regard artistique. Mais j’essaye de changer à ce sujet.
Si l’on se projette dans le futur, qu’est-ce que l’on pourrait vous souhaiter dans 10 ans ?
J’aimerais être n’importe où, mais heureuse et épanouie ! Tant que je me sens libre d’être moi-même et détachée du regard des autres.
J’ai également envie que ma présence sur cette terre serve à faire du bien.
Pour finir, quelles sont vos 3 adresses préférées à Nice ?
J’adore « La Popote d’Ondine » : cette cantine/coffee shop me porte chance. C’est chez eux que j’ai eu la nouvelle pour la sortie de mon jeu de cartes. Ensuite, je dirais chez « Senso ». Cette terrasse animée – qui se trouve juste en bas de chez moi – est parfaite pour prendre l’aperitivo entre amis. J’aime m’y installer et regarder les gens passer. Pour finir, la place Garibaldi m’est très chère. C’est un lieu qui m’évoque beaucoup de choses : l’été, les fleurs roses des arbres, les soirées sans fin, les retrouvailles entre amis.
Le Petit Plus : pour tout projet photo, vous pouvez contacter Gaëlle Simon sur sa page : http://gaellesimon.fr/contact/ et acheter ses oeuvres dans la galerie d’art Martin Sauvage.
Propos recueillis par Louise Ballongue / Photos : Gaëlle Simon et Flora Doin