Construite sur un éperon rocheux appelé « la pointe des Fourmis », cette villa est une véritable invitation au voyage. Une expérience architecturale inédite au décor de Grèce antique a permis d’ériger sur la mer une œuvre d’art appelée Kérylos, oiseau fabuleux de l’air et des eaux.
Kérylos signifie « alcyon » ou « hirondelle de mer » et représente dans la mythologie grecque un présage heureux. En nommant ainsi cette villa, son propriétaire, helléniste passionné, la plaça sous la protection de la nature et des oiseaux survolant la mer. Théodore Reinach était avocat, historien, archéologue et surtout grand spécialiste de la Grèce antique.
Cet incroyable érudit eut un jour le rêve fou d’une villa grecque sur la Riviera et confia son projet à l’architecte Emmanuel Pontremoli qui avait une conception de l’archéologie proche de la sienne. Ils ne voulaient pas de reconstitution d’un édifice déjà existant, ni un musée ni un palais excentrique mais une construction habitable, dotée des commodités modernes de la Belle Époque tout en respectant scrupuleusement l’esprit de la Grèce antique.
La villa fut réalisée entre 1902 et 1909 et T. Reinach put s’y installer avec son épouse Fanny Kann, nièce du baron Maurice Ephrussi (Cf Villa et jardins Ephrussi de Rothschild) et ses enfants, prouvant que le système constructif et décoratif des Grecs anciens convenait à son époque.
La villa est d’une sobriété voulue, lignes pures, blancheur absolue des façades, fenêtres très simples, sans encadrement, toits plats qui offrent plusieurs terrasses et une tour d’angle, sublime belvédère. Elle est construite sur le modèle des maisons nobles de l’île de Délos (IIe siècle av. J.-C.) et contraste avec l’intérieur somptueux et la préciosité des matériaux : marbre de Carrare, stucs à l’antique, mosaïques aux sols réalisés par un atelier de Vénétie, frises ornementales et fresques illustrant les légendes des dieux et des héros classiques.
L’inscription xaire (« réjouis-toi ») accueille dans l’entrée les visiteurs qui peuvent se diriger immédiatement vers le balaneion (thermes) et son bassin octogonal rappelant l’importance des bains collectifs de l’antiquité. En traversant le péristyle, patio entouré de douze colonnes doriques et cœur central de la maison, on accède aux différentes pièces de la villa.
Des artistes de talent ont collaboré à l’élaboration du décor : médaillons sculptés, vaisselle de grès, argenterie, éclairage en albâtre et opaline, mobilier en cuir et bois précieux, rien ne devait avoir une apparence moderne. Les rares objets originaux (vases, amphores, statuettes) sont en vitrine dans l’immense salle bibliothèque. Cette pièce d’étude inondée de lumière abrite des ouvrages anciens, un mobilier caractéristique comme des sièges aux pattes de lion et des tables à trois pieds et, au plafond, un lustre inspiré de celui de Sainte Sophie à Constantinople.
On continue la visite dans le triklinos, salle à manger où un lit de banquet laisse penser que les repas se prenaient allongés. Il n’en était rien car si l’esthétique était conforme à l’antique, le mode de vie était moderne. C’est ainsi que les innovations technologiques (interrupteurs, canalisations) sont astucieusement masquées. Le grand salon (Andron) et le petit salon montrent que malgré l’abondance d’objets et de meubles, la décoration n’apparaît jamais surchargée.
À l’étage, ornithès (les oiseaux), la chambre de Mme Reinach est à dominante bleue et or tandis qu’érotes (les amours), la chambre de son époux est rouge, couleur des héros mais aussi de l’amour. Entre les deux se trouvent les salles de bain avec leurs impressionnantes baignoires en marbre taillées dans un seul bloc. Un dernier étage est dédié aux chambres des enfants et au sommet de la tour d’angle, la terrasse livre un merveilleux panorama.
Après cette plongée dans l’art de vivre et le raffinement de l’époque hellénistique, profitez d’une promenade dans le jardin mêlant pins, palmiers et rosiers entre les falaises d’Eze et la Grande Bleue et accédez à la Galerie des Antiques pourvue d’une riche collection de sculptures de célèbres statues gréco-romaines.
Le Petit Plus : La Villa Kérylos confiée par l’Institut de France aux soins du Centre des Monuments Nationaux propose toute l’année des évènements ponctuels et des expositions temporaires.
Par Anne Emellina