Le nom de Giacometti évoque spontanément les figures filiformes et fantomatiques qui caractérisent son œuvre. Mais il fut aussi portraitiste, créateur surréaliste et peintre de natures mortes. Embarquez pour un panorama complet sur sa création, des productions de jeunesse à la consécration.
La Fondation Giacometti s’associe au Grimaldi Forum pour présenter une rétrospective de l’artiste, la plus importantes de ces dernières années. Une plongée dans le désir de réalisme et la puissance de l’imaginaire du suisse d’origine italienne qui se fait de manière chronologique à travers quatorze séquences scénographiées mettant en lumière toutes ses périodes. Plus de quarante ans de regard sur la beauté du monde avec pour objectif la représentation de ce qu’il voyait autour de lui, « ce réel merveilleux » comme il disait mais dans sa vérité, à travers son œil d’artiste.
Cette exposition montre son travail de recherche, pas à pas, grâce à différents procédés pour représenter les choses du quotidien, ses proches, les paysages suisses ou ces hommes nus et fragiles qui marchent pourtant vers l’avenir. Déterminé à créer du vrai, son exigence était immense : « Je ne suis peut-être pas sculpteur, en fait je n’ai encore rien compris, donc je suis obligé d’insister ».
Une première salle est dédiée aux œuvres de jeunesse, essentiellement des portraits des membres de sa famille qui témoignent des heures passées dans l’atelier de son père, peintre au style impressionniste. On peut ensuite suivre l’évolution du jeune homme installé à Paris qui, influencé par l’art africain et plus généralement par les civilisations extra-occidentales, produira des créations aux formes archaïques comme la Femme-Cuillère. Puis le cubisme aura un grand impact sur son travail et il tendra à épurer ses lignes et ses volumes à la limite de l’abstraction (Composition dite cubiste I/ II).
« En 1925 à peu près, j’ai commencé à comprendre qu’il était impossible de faire une peinture ou une sculpture telle que je le voyais, et qu’il fallait abandonner le réel. J’ai donc créé de mémoire – en dehors de la vérité – pendant dix ans. J’ai tenté tous les essais possibles de construction jusqu’en 1935, à peu près. Jusqu’à l’abstraction ».
Le parcours de la rétrospective nous révèle ses thèmes privilégiés : la représentation de la tête, du visage et du corps féminin. En se rapprochant des surréalistes, il va créer des œuvres avec leurs mêmes procédés : vision onirique, montage et assemblage, objets à fonctionnement métaphorique (Femme qui marche, Tête qui regarde, Boule Suspendue). L’artiste avait comme sujet central de recherche la tête humaine et ce sera une des raisons de son éloignement des surréalistes. Le retour à la figuration se fera en sculpture et en peinture et l’exposition fait la part belle à la représentation quasi obsessionnelle de son frère Diego, de sa femme Annette, de ses amis allant jusqu’à traiter le visage jusqu’à la déformation et au grotesque dans le but de capter l’essence de la personne.
Giacometti, c’est aussi le dessin et son immense intérêt pour l’Egypte ancienne qui donnera toute une série de Portraits du Fayoum étranges et sombres et une fusion des pratiques de peinture et de sculpture que l’on peut admirer dans la section Sculptures animées où ses sculptures en plâtre sont soulignées par des tracés tribaux.
Dans les dix salles de l’espace Ravel du Grimaldi Forum, le public peut porter un regard renouvelé sur son œuvre. Né dans la région des Grisons, il était marqué par les pierres et les arbres et peindra au fil des années des paysages de montagne. Le roc est aussi un élément de prédilection qu’il intégrera dans la série de bustes-rochers. C’est un Giacometti inconnu que l’on découvre avec ses tableaux représentant le « réel merveilleux » avec les séries de natures mortes les Pommes, celle des Bouquets ou les objets de son atelier.
C’est à l’après-guerre que le nouveau style de Giacometti s’affirme avec des silhouettes filiformes qu’il va tout d’abord enfermer dans des espaces délimités : forêts, places, cages deviennent des théâtres angoissants qui évoquent la solitude. La pointe de Le Nez, énigmatique et menaçante semble dépasser de sa cellule pour agresser.
Le parcours se clôt avec L’homme qui marche II. Devenue l’œuvre iconique de l’artiste, elle a connu plusieurs versions. A taille humaine, le modèle en plâtre prouve que la sculpture peut non seulement saisir un mouvement mais aussi transmettre une puissante impression de dynamisme.
Le Petit Plus : Pour un parfait itinéraire sur l’artiste, rendez-vous aussi à la Fondation Maeght à St Paul de Vence qui propose une 1ère mondiale en réunissant du 03/07 au 14/11 les 5 artistes de la famille Giacometti (Giovanni, Augusto, Alberto, Diego et Bruno) : Les Giacometti. Une famille de créateurs.
Par Anne Emellina