Construite dans un style roman, la chapelle Saint-Pierre de Villefranche-sur-Mer est un lieu sacré. Restaurée et décorée par Jean Cocteau, elle est dédiée aux pêcheurs et mêle avec brio spiritualité et art.
Construite durant la seconde moitié du XVIe siècle, la chapelle Saint-Pierre détonne au beau milieu des restaurants du Quai Courbet. Lieu de culte à ses débuts, elle devient rapidement un tribunal de pêche, avant de servir de simple « réserve » de matériel.
Toute d’ocre vêtue, l’église attire l’oeil et séduit par son aura solaire. Cette âme et ce cachet si singuliers, Cocteau l’a décelé, lui qui était un fervent habitué du coin durant les années 50 (hôtel Welcome, Villa Santo Sospir).
L’histoire veut qu’un beau jour il confie à son ami Albert Lorent, délégué au tourisme à Villefranche-sur-Mer, son désir de décorer la chapelle.
En signe d’amitié envers les pêcheurs, il souhaite en effet redonner un aspect religieux et artistique à cet ancien lieu de culte. Suite à de longues discussions, la mairie de la ville réussit à convaincre les pêcheurs de vider la chapelle de leurs filets.
Jean Cocteau, fou de joie, s’attaque à la décoration à partir de 1957. La chapelle sera inaugurée le 30 juin 1957.
Depuis cette date-clé, rien n’a changé. Aux murs, cohabitent figuration et abstraction : épisodes de la vie de saint Pierre, motifs purement géométriques, poissons, œil du pêcheur, demoiselles de Villefranche, gitans des Saintes Maries-de-la-Mer… séparés en deux séries : un panneau représente le monde méditerranéen, l’autre illustre des épisodes de la vie de saint Pierre.
Sur les murs de l’abside et du chœur, le peintre et poète représente le miracle de la marche sur les eaux. Le Christ, regarde Pierre avec bienveillance et les pêcheurs assistent avec étonnement au miracle. L’œil du pêcheur est représenté par un poisson, à gauche de la scène.
Le style, dépouillé et graphique, emprunt de motifs locaux et d’allusions au monde onirique des pêcheurs, invite à la contemplation.
Pour donner vie à ces fresques, le fusain et la peinture sont les armes favorites du peintre.
Quant au mobilier liturgique, composé d’un autel, d’un tabernacle en forme de colombe et de chandeliers, il accentue l’atmosphère mystique des lieux.
Sur le mur intérieur de l’entrée, Jean Cocteau a représenté les deux chandeliers de l’apocalypse – cuits dans les fours de Valbonne – et orientés vers l’autel. Dotés de gros yeux, d’un nez et d’un bouche, ils revêtent une forme étrangement humaine.
La visite se termine par la citation fétiche des lieux, peinte par Cocteau juste au dessus de la porte : « Entrez vous-mêmes dans la structure de l’édifice comme étant des pierres vivantes ».
Le Petit Plus : pour l’anecdote, la chapelle, privée, appartient toujours aux pêcheurs.
Par Louise Ballongue / Photos Marine Borel et Louise Ballongue