Avec cette exposition qui met en lumière le dessin, Le Dojo a laissé carte blanche aux artistes invités à proposer leur propre conception de « l’intime du vide ». Investissant un immense espace nu, chacun a pu exprimer son intériorité, son univers aussi étrange que personnel.
Sur une proposition de Jean-Pierre Paringaux, amateur et collectionneur d’art et François Paris, dessinateur passionné, Le Dojo a ouvert ses portes aux approches différentes de huit artistes répondant ainsi à une ambition : être un soutien actif et utile à la création contemporaine. Depuis 2002, les 400 m2 de ce white cube sur le port de Nice sont un lieu de création et d’expérimentation et offrent une visibilité à des artistes émergents ou déjà reconnus.
Le dessin et les diverses formes qu’il peut prendre (crayons, gouaches, fusain, aquarelle) sont les outils qui engendrent des images intimes et habillent lieu nu.
Le visiteur qui déambule va se confronter aux visions et aux expressions de chaque artiste.
François Paris se sert de la réalité pour la transcender, parler de ses propres peurs, de ses phantasmes ou encore de ses phobies. Il s’inspire de photos existantes qu’il retravaille et ses dessins revisités nous questionnent aussi sur un monde beau mais inquiétant.
Maxime Parodi est un « explorateur de mondes fictionnels » ; en empruntant des images iconiques du cinéma ou de séries tv et en se mettant lui-même en scène, il remplit un espace fait de narrations collectives et personnelles et ainsi son propre vide. Quant à Steve di Geronimo, ses dessins sur cibles de tir nous obligent à nous rapprocher du point central et d’accéder intimement à l’intime du vide universel.
Ces images de l’intime du vide font appel à l’inconscient, à la culture, aux codes, à l’histoire de chacun des artistes qui exposent.
Yannick Cosso dessine au fusain des empreintes de corps aimés puis oubliés, poussées dans le vide, leurs traces laissées dans nos mémoires se réaniment.
Gardées également en mémoire, les parties de corps féminins resurgissent dans les aquarelles de Béatrice Lussol où l’intime s’expose et explose. La forme vulvaire se démultiplie, devient paysage ondulant, le rose des chairs s’empare du vide.
La violence du réel occupe le vide et c’est avec la couleur, l’absurde et l’humour que les peurs intimes s’expriment.
Ingrid Maria Sinibaldi a « le rire au bord des lignes, au bord du gouffre ». Autoportraits, figures grimaçantes, elle fait dans l’excès et la vie et la mort s’entrechoquent dans ses œuvres.
L’univers de Makiko Furuichi à la fois facétieux et inquiétant est riche de sa culture japonaise. Elle aime représenter les Yokaïs : ces créatures surnaturelles de son folklore sont des esprits malfaisants ou juste malicieux qui incarnent les vices et les peurs de l’homme mais aussi les aspects joyeux de la vie.
Céline Marin, elle, nous plonge dans le surréalisme avec son trait précis apposé sur différentes images collectées un peu partout : les rites anciens et l’hybridation homme-animal reviennent sans cesse mais dans cet ensemble joyeux, c’est peut-être la notion de sauvage qu’il faut retenir dans notre monde violent.
Par Anne Emellina