La plus ancienne des galeries d’art contemporain de Nice a trouvé un nouvel écrin dans le Vieux-Nice. L’institution niçoise abrite toujours les grands noms de l’Ecole de Nice et du Nouveau Réalisme et fidèle à sa réputation, se veut dénicheuse de nouveaux talents de la création contemporaine.
Cette délocalisation de la Galerie Ferrero dans le Vieux-Nice en surprit plus d’un. Guillaume Aral, successeur de Jean Ferrero à la tête de la Galerie du même nom, fit ce choix en découvrant un magnifique espace sur deux niveaux (l’ancienne boîte de nuit Le Tramway) qui pouvait accueillir bon nombre de pièces d’art parfaitement mises en valeur, le tout dans un quartier touristique et vivant qu’il pressentit comme un nouveau terrain de conquête. Les collectionneurs et amateurs de l’Ecole de Nice et de nouvelles pépites d’art contemporain ont suivi ce galériste, digne héritier de ce grand marchand d’art que fut Jean Ferrero.
C’est en 1954 que s’ouvrit le Studio Ferrero (bd Sainte-Agathe, aujourd’hui bd Delfino) initialement studio de photographie. En effet, Jean Ferrero était photographe de presse et réalisait des reportages sur les artistes résidant sur la Côte d’Azur comme Picasso, Chagall ou Cocteau. Ce sont pourtant des photos d’athlètes nus qui firent son succès et lui donnèrent peu à peu une aisance financière qui lui permit d’assouvir sa passion de la collection d’œuvres d’art. Il découvrit ainsi au début des années soixante un petit groupe d’artistes qui allait devenir L’Ecole de Nice. Devenu très ami avec entres autres Arman, César et Ben, il organisa leurs premières expositions à partir de 1970.
Le collectionneur insatiable abandonna la photo et devenu marchand d’art, le studio devint la Galerie Ferrero en 1973. Transférée rue de France, puis dans les années 80, grâce à l’attention grandissante portée à l’Ecole de Nice, il ouvrit une deuxième galerie rue du Congrès, une troisième à St Paul de Vence puis une quatrième dans la Galerie des Antiquaires sur la Promenade des Anglais.
Marchand d’art incontournable, Jean Ferrero se disait rongé par le virus de la « collectionnite » et « brocanteur d’art ». Le bric-à-brac de ses galeries aux œuvres cotées mélangées aux babioles insolites en disait long sur ce personnage original.
Avec la crise de 1990, Ferrero ne conserve que la galerie de la rue du Congrès, puis l’âge venant, il décide de la céder à son ami niçois Guillaume Aral en 2003. Ce dernier, diplômé en droit mais passionné d’art, choisit de suivre la voie du cœur et de relever le défi de conserver l’héritage de l’Ecole de Nice et de faire connaître de nouveaux artistes grâce à des expositions temporaires et à l’ouverture d’un nouvel espace toujours rue du Congrès en 2008.
Installé désormais rue Droite dans la vieille ville, il travaille en duo avec Virginie Journiac, Art Expert, ancienne conservatrice du Musée Renoir et du Château Grimaldi à Cagnes-sur-Mer. Dans la nouvelle galerie, il cultive le côté accumulation cher à Jean Ferrero qui donne le sentiment de chercher un trésor parmi toutes les œuvres exposées. La galerie reste une référence pour les collectionneurs qui sont à l’affût des créations très recherchées de César, Sosno ou Ben qui a produit peu d’œuvres uniques. Les bijoux d’artistes (colliers en or de Ben, mini compressions de bijoux d’Arman ou César) sont également très prisés.
Le travail de recherche (la galerie s’occupe de demandes particulières) se fait par le biais d’autres galeries, de collectionneurs et de successions. La clientèle étrangère connaît de plus en plus l’Ecole de Nice et si ce n’est pas le cas, Guillaume sait les orienter et leur fait découvrir ces œuvres qui plaisent par leur côté ludique, décalé, pop, plein d’humour comme celles de Jean Mas et ses torchons d’art car il aime « les œuvres bien torchées » et ses cages à mouche. Mais si de riches belges ou chinois passent par la galerie Ferrero, sa situation géographique attire aussi les touristes moins fortunés qui peuvent acquérir des pièces abordables.
Guillaume Aral est aussi un découvreur de talents et organise des expositions temporaires. Il est intarissable sur ses coups de foudre pour la jeune création qu’il qualifie de « Nouvelle vague de Nice » et quelques italiens de la Ligurie proche.
Ainsi, parmi Moya, Gilli, Fahri ou Rotella on apprend à connaître Pons. L’italien Guido Palmero s’exprime à travers la peinture sur glace et plexiglas sur des pare-brise de voitures et de vespas. Son compatriote Stefano Bombardieri du mouvement hyperréaliste sculpte des figures du monde animal en bronze, acier ou bois qui évoquent le temps qui passe, notre disparition et celle d’animaux en voie d’extinction avec son rhinocéros suspendu comme enlevé par des braconniers ou son gorille aux chiffres lumineux qui vont en diminuant. Et encore Alexandre Merriadec dont les céramiques sont inspirées des monstres du cinéma et les montages photos tridimensionnels avec perspective inversée de Claude Ingargiola.
Petit plus : Dans le cadre d’édition de catalogues et de ventes aux enchères, des commissaires-priseurs font appel à la Galerie Ferrero qui estime des œuvres de l’Ecole de Nice, participant ainsi à son rayonnement international.
Par Anne Emellina (texte et photos)