Ce n’est ni le plus grand ni le plus richement doté. Pourtant le Musée National Picasso, la Guerre et la Paix de Vallauris mérite vraiment le détour. Par sa symbolique de sa fresque mais aussi les jours heureux de l’artiste dans l’arrière-pays cannois.
L’histoire d’amour de Picasso avec Vallauris est belle. C’est d’abord celle avec une femme, Catherine Gillot qui lui donnera deux enfants là-bas(Claude et Paloma). Ensuite avec un village et ses habitants, tous tournés vers l’artisanat qui a fait sa réputation depuis le moyen-âge : la céramique.
Après la guerre, la période Vallauris (de 1947 à 1955) dans la villa « la galloise » symbolise donc les années heureuses en famille pour Picasso, entouré d’un cercle d’amis artistes et écrivains (Cocteau, Eluard ou Prévert, etc.), régulièrement en villégiature en Provence.
Picasso participe activement à la vie du village en y organisant les corridas dont il est si amateur et des défilés en musique. André Villers, alors jeune photographe, documente Picasso simple villageois avec des photos noir et blanc visibles dans le musée de la céramique voisin.
Ces années figurent parmi les plus prolifique de l’artiste qui, au-delà de la peinture, expérimente de nombreuses techniques de sculptures à base de matériaux de récupération, de linogravures mais surtout de céramique qu’il pratique assidûment dans l’atelier Madoura.
Tout comme Chagall, Matisse ou Brauner, il y apprend les techniques ancestrales auprès de Suzanne et Georges Ramié puis cherche, comme à son habitude, à innover afin d’affirmer son style. Il décore plus de 2000 céramiques la première année et dessine de nombreux objets à produire en édition (au maximum 250 exemplaire) afin de rendre son art accessible Le peintre qui avait l’habitude de maîtriser les couleurs doit laisser une place à la magie du fortuit : en céramique ce sont la températures, les temps de cuisson et les combinaisons de couleurs qui donneront un résultat assez aléatoire.
Mais c’est l’immense fresque dans la chapelle qui date de l’époque de moines de Lérins qui est bien évidemment la pièce majeure. Pas moins de 300 dessins préparatoires ont conduit à son exécution en 1952 sur des panneaux d’isorel qui furent dressés verticalement sur une structure de bois cintrée pour s’adapter à la voûte en 1954.
La Guerre et la Paix répond à la période d’incertitude de la Guerre froide et les inquiétudes de voir le monde à nouveau sombrer dans la barbarie. Picasso comme de nombreux intellectuels militants ou sympathisants au parti communiste donne de sa personne et de son art en militant pour une pacification du monde.
L’œuvre est composée de part et d’autre de plusieurs scènes qui se répondent, le positif au négatif, le sombre au lumineux.
Sur la gauche quand on entre et en lecture de droite à gauche, Picasso commence par La Guerre illustrée (entre autres) par un corbillard tiré par des chevaux, des livres piétinés. Déjà évoquée aussi en motif la crainte d’une guerre bactériologique. Le guerrier de la paix se défend grâce à un bouclier décoré d’une colombe de le paix (motif récurrent chez Picasso) avec en filigrane l’image d’un amour (le portrait de Françoise Gillot).
Sur le mur en face, Picasso a peint La Paix. La première scène représente un déjeuner sur l’herbe où une femme, tout en lisant, allaite son enfant, clin d’œil à sa nouvelle paternité. Un cheval blanc, un enfant, un faune, le labour, les symboles sont bien sûr ceux de la pureté, de la joie et de la fertilité avec des nombreuses références à la mythologie grecque.
En 1958, une troisième allégorie plus naïve et baptisée les « 4 parties du monde » viendra compléter l’installation sur les portes de la chapelle. L’ouverture officielle au public n’aura lieu qu’en 1959.
Par Eric Foucher