Nuances, c’est la nouvelle table du chef Allan Lalevée qui réveille la gastronomie niçoise. Dans un écrin noir et or, on vient expérimenter en six temps une cuisine d'auteur aventureuse et joueuse, avec des plats contrastés et créatifs qui promènent nos couverts en saveurs inconnues.
Il faut avoir l’oeil affuté pour repérer Nuances et sa devanture sombre, rue Cassini. Toute de noir vêtue, ses éclats dorés intriguent. C’est pourtant bien ici que siège la toute nouvelle table gastronomique décomplexée d’Allan Lalevée, 32 ans, ex sous-chef talentueux de Pierre Sang Boyer. Ses armes, il les a faites à Paris, et n’a pas « compté ses heures » pour grimper dans la foodosphère. Un confinement et quelques interrogations plus tard (notamment face à un poste de chef-cuisiner présidentiel au Gabon), le vosgien décide de se réinventer en ouvrant son propre restaurant, à Nice.
Il est épaulé par Sébastien Martin (ex artisan boucher à la « La Belle Bête », rue Oberkampf), Steve Baldini, architecte d’intérieur, et sa compagne Coline Chartier, en charge de la salle.
Allan Lalevée réalise son rêve : montrer sa cuisine au plus grand nombre. Non sans se lancer un sérieux défi : renouveler sa carte tous les quinze jours .
C’est assis, au comptoir boisé, ou à table, sous un ciel de blés séchés, que l’on démarre « l’expérience » Nuances.
Une fois les allergies éventuelles écartées, le serveur lance le menu à l’aveugle. Pour patienter – un verre de blanc à la main – des beurres aromatisés (wasabi et tomates séchées) nous sont servis dans une ambiance joyeuse et survoltée, où la précision est de mise.
Première assiette, première surprise : une mise en bouche composée d’une mousse aérienne de brocolis, dès de hareng fumé, châtaignes râpées. Le mélange est harmonieux, quoique très audacieux.
On apprécie la structure poétique du plat, où il faut creuser, cuillère à la main, pour découvrir les saveurs cachées.
Vient ensuite un oeuf « parfait », confit grâce à sa cuisson basse température, sa sauce tomate-chorizo à s’en lécher les doigts, chapelure croustillante, sésame noir et mousse d’herbes. Un préambule gourmet au reste qui va suivre…
Puis, les plats principaux, texturés et riches en trompe-l’oeil, se succèdent : purée de patates douces violettes du Brésil, betterave jaune, poudre d’algue nori, cabillaud mariné au mirin grillé au chalumeau ; incroyable bavette braisée (la cuisson, sublime, mérite d’être soulignée), jus de boeuf, purée onctueuse, chicon et copeaux de Katsubushi (algue séchée). Un mélange terre-mer très osé, quasi sur le fil, qui fonctionne étonnamment bien.
Les serveurs nous entraînent avec humour dans un jeu de « devinettes » bien pensé.
« Quel ingrédient se cache derrière la purée violette ? Quel est le nom de la poudre iodée ? ». C’est ludique, enrichissant (découverte d’ingrédients du bout du monde : patate douce violette du Brésil, Katsubushi…) et addictif. L’objectif de la soirée ? Deviner tous les plats et battre le voisin.
En pré-dessert, on termine cette expérience de haut vol par un fromage brie condimenté avec du piment coréen confit (Gochujang) et sa chapelure de noisettes-herbes ; puis vient le final, tant attendu : crémeux framboise-chocolat blanc, mousse chocolat blanc, feuilleté praliné, touches de coulis de framboise, éclats de chocolat noir.
Difficile de s’avouer que ce dîner survolté et ultra créatif est déjà terminé, tant l’on s’est amusés et régalés. Mais toutes les bonnes choses ont une fin ! Quoi que…
Louise Ballongue / Photos : Sébastien Veraguas et Louise Ballongue