Quoi ? : Street artist
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Expos sauvages, happening, pochoirs … l’artiste engagé Toolate pousse ses coups de gueule en investissant les rues pour faire passer ses messages face à l’aveuglement de la société. Impossible à rencontrer, c’est par écrit qu’il nous a répondu : il accuse tout en gardant un peu l’espoir de nous sensibiliser.

 Dans un univers où chacun rêve de reconnaissance, l’artiste Toolate reste anonyme et s’efface au profit du message. Ses œuvres dénoncent l’absurde, l’injustice, l’incivisme, l’irrespect des droits de l’homme et particulièrement l’écologie menacée. La rue est un atelier et on retrouve dans ce mode opératoire l’essence même de la politique qui doit s’exercer dans la cité et concerner le citoyen. C’est pendant la pandémie que sont apparus ses premiers messages concernant l’arrêt de la culture avec la fermeture des cinémas et des musées, les enfants privés de jeu sans école ou encore la pollution engendrée par les millions de masques jetés par terre. Pour dénoncer, c’est avec cynisme, humour, franchise, mots cinglants qu’il installe un tableau au fond reconnaissable mais vidé de sa Joconde, un paquet géant de Marlboro rempli de mégots intitulé L’Œuvre d’un connard ou dernièrement à Nice le graffe Quatar m’a tuer en référence à l’affaire Omar Raddad. C’est certainement too late mais prenons conscience car « la prochaine extinction sera la nôtre ».

Comment êtes-vous devenu artiste, pouvez-vous me parler de votre parcours d’études ou d’autodidacte ?

Je suis devenu artiste à la naissance comme tout le monde, de l’imagination et des rêves, qui n’en a pas ?

Quand avez-vous commencé à vous exprimer dans la rue ? Vos interventions ont-elles été immédiatement engagées ?

 Ça faisait longtemps que j’avais ce projet en tête et pendant le 1er confinement j’avais du temps, alors je me suis lancé. J’ai créé une image représentant la statue de la liberté arborant « stay home » j’ai gagné un concours aux USA et l’image a été diffusée sur des écrans géants pour sensibiliser les passants. Elle fait maintenant partie des archives du congrès américain, et cette 1ère aventure m’a motivé pour la suite.

D’où vient ce pseudonyme, pourquoi l’avoir choisi ?

C’est le propre de l’homme de se poser les questions quand il est déjà trop tard. Cette phrase résume bien la réponse à la question « pourquoi l’avoir choisi. » ?

Peut-on être un personnage public en restant anonyme ?

Paradoxalement oui, tout est possible, aujourd’hui avec les réseaux même un chien peut devenir un personnage public. C’est très fréquent dans le street art qui reste un art illégal. Pas besoin de se concentrer sur qui nous sommes pour écouter ce que nous avons à dire. L’anonymat n’est qu’une couverture pour se protéger et pouvoir s’exprimer librement.

Dans les années 70, les Interventionnistes allaient dans les rues pour modifier l’environnement dans une volonté de démocratie directe. Est-ce votre cas ?

Une phrase latine m’inspire beaucoup et reste le fil conducteur de mes travaux : « homo homini Lupus », l’homme est un loup pour l’homme. Car finalement nous sommes les seuls coupables de notre propre malheur. Je travaille sur des sujets liés à notre civilisation moderne que je souhaite défendre notamment l’écologie, le droit humain, ou encore le racisme. Je pointe du doigt la connerie humaine, en appuyant où ça fait mal.

Mon but est de sensibiliser, d’attirer l’attention, je pense que l’art est un excellent média pour la prise de conscience. L’engagement est important pour moi et je pense que la beauté de l’œuvre est dans le message qui même effacé restera dans les mémoires.

Quels sont les street artists qui vous inspirent le plus ?

Il y en a beaucoup, je m’intéresse au street art et à l’art contemporain depuis des années. Si je devais en citer, je dirais : Andy Warhol, Basquiat, Keith Haring, Banksy, Invader, Obey, Jef Aérosol, Ernest Pignon Ernest, Blek le Rat.

Vous vous exprimez à Paris, à Nice, à New York, comment relever ces challenges, ne pas se faire repérer ?

Pour ne pas se faire repérer, il faut faire un bon repérage. Être rapide, pas vu pas pris !

Dans quelles autres villes aimeriez-vous laisser des traces ?

J’ai collaboré avec le collectif St. Javelin qui est rapidement devenu le symbole de la résistance Ukrainienne face à l’invasion militaire russe. Grâce à la vente de drapeaux, stickers etc, les bénéfices s’élèvent à plus de 2 millions d’euros en faveur d’une association qui aide à la reconstruction de l’Ukraine. C’est compliqué mais j’aurai aimé grapher à Kiev la version que j’ai réalisé du protecteur Saint Javelin.

Pouvez-vous me parler de vos dernières interventions à Nice : Le Quatar m’a tuer ? Ecologie toujours, dégoût face au monde qui cautionne … ?

J’ai souhaité interpeller en dénonçant dans les rues les aberrations liées à cette coupe du monde de la honte. Un bilan pour dire qu’il est trop tard et que pour quelques minutes de football, nous sommes prêts à sacrifier des vies ainsi que les ressources de la planète et nos valeurs. La performance intitulée Qatar m’a tuer (inscription en rouge sang sous le tunnel piéton de la rue Louis Coppet à Nice) a été réalisée pour faire ouvrir les yeux sur les conditions de travail des travailleurs de la Coupe du monde 2022, sur les milliers de morts engendrés avec notamment la construction des stades. Et j’ai choisi Nice en raison de la décision du maire de diffuser les matchs en fan zone, alors que beaucoup de villes françaises ont décidé de boycotter l’événement. Toujours à Nice, j’ai voulu dénoncer le renoncement d’Hugo Lloris au port du brassard arc en ciel au Mondial 2022 au Qatar avec son portrait exposé près du stade Allianz Riviera (réalisé par Otom) bâillonné avec un billet de 500 riyals. Ce bâillon, c’est le manque de courage de l’équipe de France.

 Climatisation des stades en plein désert, nombreux vols pour transporter les supporters, manque de prise de prise de conscience à l’égard des enjeux écologiques et humains …. Visiblement, nous préférons plier sous le poids de l’argent !

Avez-vous déjà en tête d’autres cibles, d’autres sujets explosifs ?

Oui, il y a beaucoup de sujets qui m’inspirent sur la connerie humaine.

 

Propos recueillis par Anne Emellina / Photos Toolate