Palmiers, citrons, fenêtres sur mer… Franck Lebraly flirte avec les codes du Sud pour nous en offrir une vision magnifiée. Rencontre avec un artiste solaire.
Passionné d’Italie, de Riviera et des années 60, Franck Lebraly est un enfant du pays, originaire de Cannes. Petit déjà, il baignait dans l’art : son grand-père était peintre, son père restaurait des objets d’art et son autre grand-père était ébéniste. Longtemps directeur artistique dans le milieu de la publicité, il a eu besoin, avec le Covid de revenir aux sources… et d’être enfin libre dans sa création. Ses obsessions colorées – bleu Méditerranée, jaune citron – et son esthétique solaire ont séduit bon nombre d’hôtels, bars et restaurants. Partons à la découverte d’un artiste-illustrateur-céramiste qui a su faire du Sud sa marque de fabrique.
Depuis quelques années, on assiste à un réel engouement pour le Sud, pourquoi d’après vous ?
Avec le Covid, le tourisme local est mis en avant. Les envies évoluent, la culture aussi. Beaucoup de parisiens s’installent dans le Sud. La région, bercée par de nombreux artistes de renom (Jean Cocteau, Picasso…), est également très inspirante d’un point de vue artistique.
En tant que cannois, le Sud m’inspire. Ma démarche est résolument tournée vers le local. Je me fournis d’ailleurs chez un artisan de Vallauris pour mes céramiques.
Vous avez grandi entre les restaurations d’objets d’art de votre père et l’ébénisterie familiale, c’est donc des milieux où l’on restaure beaucoup, êtes-vous sensible à tout cela ?
Oui beaucoup. C’est une forme de relais. J’ai vu mon père restaurer des assiettes de Picasso, des commodes Napoléon… ça marque. Nous avons la chance d’avoir des objets incroyables en France. En revanche, je n’ai absolument pas la patience, ni la minutie pour restaurer des objets. Mais je chine beaucoup !
Pensez-vous que l’artisanat soit l’avenir ?
Ce serait génial ! Je l’espère en tout cas, même si changer notre façon de consommer est un énorme challenge. À titre d’exemple, les magasins Ikea sont très ancrés, à la fois géographiquement et dans nos habitudes.
À titre personnel, j’aime peindre sur des pièces déjà existantes, comme sur des céramiques. C’est une façon de recycler !
Vous citez Yves Klein, Jean Cocteau ou encore Pablo Picasso comme artistes inspirants. Est-ce que vous admirez un artiste contemporain ?
C’est une bonne question ! (rires). Je crois que je suis fondamentalement attaché aux années 60/70, il m’est donc difficile de répondre. Mais je dirais les dernières productions de Christo qui vient de disparaître.
Vous êtes un passionné d’Italie. Est-ce qu’un lieu en particulier vous inspire, vous donne envie d’y revenir ?
La Sicile, sans aucun doute ! J’apprécie tout particulièrement la ville de Palerme et de Catane – notamment son incroyable marché de poissons, qui ressemble à une pièce de théâtre. Cette île, c’est une terre de contrastes, le fief du baroque, on peut y voir des choses magnifiques… même si les villes sont souvent baignées de violence.
J’adore observer la lumière si particulière de cette île qui baigne les pierres, les vestiges du passé.
Lorsque vous entrez dans un restaurant/bar/hôtel/villa, qu’est-ce qui vous séduit en premier ?
Je prête une attention particulière au choix des matériaux et aux détails, comme un menu posé sur une belle table. Je déteste en revanche les lieux aseptisés. Mon plus grand plaisir, c’est de me rendre aux bars d’hôtels pour y siroter un verre, comme à l’hôtel du Temps à Paris…
Vous avez collaboré entre autres avec l’hôtel Le Sud, la boulangerie Babka Zana, la Villa Vence, le restaurant Bao Comptoir ou dernièrement Enamoura. Comment sélectionnez vous vos projets ? Est-un coup de coeur pour un lieu, l’histoire à raconter ?
J’aime qu’il y ait un lien intrinsèque entre le lieu et l’histoire à raconter. Il faut aussi que la technique utilisée ait du sens : feutre sur bois, pastel… Tout va dépendre du projet. Actuellement, je travaille au sein d’un hôtel – Monsieur Pablo à Paris – et j’utilise du pastel. Mais j’essaye de me renouveler à chaque fois, de sortir de mes couleurs, de mes formes habituelles. Il y a également une certaine pression : on ne doit pas se louper, car les traces sont indélébiles !
Créer, c’est une recherche permanente. On doit sortir de sa zone de confort. Parfois, une forme, une couleur, va surgir de nul part.
Si vous ne pouviez garder qu’un seul objet de chez vous, quel serait-il ?
Un tableau de Graham Collins ! C’est un artiste moderne que j’aime beaucoup. Sinon une tête sicilienne, c’est une céramique typique de Noto.
Quel serait le projet le plus fou que vous aimeriez que l’on vous propose ?
On m’a parlé dernièrement de refaire toute l’identité d’une Marina en virginie (fresques, signalétique etc). Je n’ai plus de nouvelles depuis, mais ce serait fou comme projet !
Pouvez-vous nous citer vos 3/4 adresses préférées dans la région ?
À Cannes, j’aime bien le restaurant le Pompon et à Mougins, le Mas Candi. À Nice, le Bistrot d’Antoine est excellent. Pour l’ambiance, la décoration et les plats étonnants je dirais l’hôtel Amour à Nice. Ils préparent une incroyable soupe au citron !
Quel message se cache derrière votre slogan « Make the south great again » ?
C’est un hommage à tous les artistes sur la côte. Les années 60/70 ont profondément impacté la côte d’Azur… on sous-estime cette période. C’est pourtant un terrain hyper fertile ! À Nice en particulier, il existe une véritable identité : architecture italienne, villas Belle époque, un langage unique… et de l’art à chaque coin de rue.
Pour finir, qu’est-ce que l’on peut vous souhaiter de beau pour 2021 ?
De faire un maximum de projets… et une exposition, pourquoi pas !
Par Louise Ballongue / Photos : Franck Lebraly (Couverture S.Candé/Enamoura)