Quoi ? : Auteur - Musicien - Artiste

Journaliste, passionné d’art, de cinéma, de musique, de littérature et d’oenograstronomie, le niçois Olivier Marro peut être défini comme un "homme universel" selon la conception de la Renaissance, la modestie en plus. Des connaissances en presque tout, une soif d’apprendre depuis toujours et des projets concrets dans lesquels il exerce ses talents de la plume à la chanson.

Pétri à la fois de culture académique et de contre-culture qui englobent tous les arts, Olivier s’intéresse à toutes les disciplines sans rejeter aucun genre. « Entrée, plat, dessert, pourquoi choisir ? » dit-il : du polar à la science-fiction, des films néoréalistes italiens aux westerns, du jazz à la new wave en passant par le classique ou de l’art classique au contemporain … sa culture est généraliste mais pointue à la fois. On le croise dans des vernissages, des concerts, serrant la main aux directeurs de galeries et aux artistes avec sa dégaine à la Philippe Manœuvre, discutant musique et spécialement du groupe Intérieur Cuir dans lequel il est parolier et chanteur et qui vient de sortir un disque. Partons à la rencontre autour d’une bonne bouteille et d’un plat mitonné, d’un garçon cultivé, curieux et bon vivant car si l’art le rend heureux, il ne dit jamais non aux nourritures terrestres.

 Comment le jeune Olivier Marro s’est-il initié à la culture ?

Je ne viens pas d’un milieu d’intellectuels au sens strict du terme même si mon père écrivait des poèmes et que mes parents étaient des gens cultivés. Je suis d’une génération où les programmes scolaires étaient riches d’heures d’apprentissage en histoire, en lecture, en beaux textes et à l’importance majeure donnée à la culture générale. J’étais un gamin fou de foot, de ski mais entouré de copains avec qui j’échangeais livres, cassettes, bd ; c’était un mélange de culture populaire, de soif de découvertes et d’émulation. Il n’y avait pas internet mais des bibliothèques et une presse spécialisée et l’attrait était renforcé par la difficulté, le mystère entourant la connaissance. Il y avait donc les parents, l’école et une contre-culture en fouinant ou grâce aux amis dont ce copain que je n’oublierai jamais qui m’a fait découvrir Lautréamont et Cioran.

Vous avez un riche parcours professionnel, quels ont en étaient les débuts ?  

 Après un BTS en publicité, j’ai pu travailler à l’âge d’or de la pub, l’époque des réalisations avec des cinéastes comme Etienne Chatillez, Bertrand Blier, l’ère de Culture Pub … Puis, je suis rentrée dans le milieu du cinéma jusqu’à être assistant réalisateur. Beaucoup de voyages, des collaborations avec des agences de pub célèbres comme Saatchi & Saatchi, McCann Erickson, Leo Burnett et puis vers 30 ans, l’envie de moins bouger, de plus de stabilité et d’écrire.

« J’ai toujours écrit, notamment des poésies « automatiques » car j’étais très influencé par les dadaïstes et les surréalistes. Il y avait l’amour des mots d’un côté et de l’autre, un vaste horizon de sujets à traiter et j’ai alors pensé à écrire pour les autres et à devenir journaliste. »

Quels sont les magazines pour lesquels vous avez écrit ?

 J’ai commencé chez Vins et Gastronomie comme secrétaire de rédaction puis j’ai obtenu une carte professionnelle. J’ai ensuite écrit pour Le Magazine de Sophia Antipolis, le magazine économique Objectif Méditerranée, Nice Magazine. Les sujets étaient très variés puis j’ai pu à mon grand bonheur me spécialiser dans la culture pour Art Côte d’Azur, Les Petites Affiches, Coming Up créé par Eric Foucher actuel directeur de Love Spots pour lequel j’ai aussi travaillé ou encore Côte Magazine. J’ai également rédigé des préfaces de catalogues d’expos d’artistes (Katerin Fridriks, Chiara Samugheo …). Il y a aussi la presse télé pour laquelle j’ai été rédacteur en chef; en 2010, j’ai crée et présenté avec Dorothée Marro une émission sur Nice Azur TV. Nous recevions chaque semaine sur le plateau de “Nice in Nice” les acteurs de la culture toutes pratiques confondues et diffusions l’actualité artistique et des reportages sur les évènements du moment.

Comment s’est présentée l’opportunité d’écrire pour l’univers de la bande dessinée ?

 En 2012, j’ai rencontré Loïc Malnati, dessinateur chez Glénat maison d’édition française spécialisée dans la BD. Il m’a proposé d’écrire un scenario « exotique ». En pensant à mon père qui travaillait à la poste à Brazzaville dans les années 50, j’ai eu envie d’écrire une histoire se déroulant au Congo Français. Entre 1921 et 1924, la construction de la ligne Congo-Océan reliant Brazzaville à Pointe-Noire tua 17.000 ouvriers et j’ai imaginé un récit romanesque et tragique dans ce contexte historique. Congo-Océan illustré par les dessins de Loïc raconte l’histoire d’un couple qui tente de fuir ce tyrannique chantier de cette ligne ferroviaire

Pouvez-vous nous parler d’un deuxième ouvrage qui est aussi une aventure en collaboration ?

En visitant une exposition de François Paris, dessinateur dont j’admire le grand talent, j’ai imaginé que nous pourrions unir nos deux narrations personnelles. En effet, le projet été réalisé à partir d’un assemblage semi-automatique de textes et de dessins que nous avions produits avant de nous connaître. En croisant les dessins de François et mes écrits, une troisième narration a pu voir le jour. Dans Exercice de tir en rase campagne, il n’y a pas de véritable récit, nous sommes dans une fiction mêlant sentiments et projections sur la vie, l’amour, le sexe …. Le recueil a été publié comme premier ouvrage d’art (sans parler bien sûr des ouvrages de son père Ben) par la Galerie Eva Vautier.

« Concernant mon écriture, j’aime parler de fulgurances, d’instants capturés qui se révèlent sans anesthésie avec un verre de whisky, juste un pour oublier la page blanche et lâcher la bride. »

Peut-on parler d’interdisciplinarité dans votre conception de la culture ?

 L’idée d’une porosité entre la culture et ses différentes disciplines m‘a toujours paru évidente. La culture appelle la culture, c’est comme une sorte d’embrassement qui se produit naturellement, des liens qui se nouent quand on s’y intéresse : de la peinture au cinéma, de la littérature à la musique … Dans le cadre de l’exposition Ian Curtis likes this place à la Villa Caméline, j’ai présenté une installation avec un dessin de François Paris : une chaise sur laquelle repose une veste grise que j’ai porté dans les années 80 quand j’ai découvert le groupe. De la poche dépassait le livre House of Dolls de Ka-Tzetnick. Le chanteur a décidé de nommer son groupe Joy Division après lecture de cet ouvrage sur les camps de la mort. Dimension fictionnelle, éléments culturels reliés … c’est exaltant !

Parlons musique justement, quelle est son importance dans votre vie ?

 Une part très importante. Je n’ai pas de formation musicale mais à 20 ans, je me suis mis à la compo, au clavier et au chant dans un groupe appelé Olga K, puis avec un copain en 2005, on s’est lancé dans la musique électro sous le nom de Revox Conspiracy. Aujourd’hui, le groupe Intérieur Cuir fondé avec un couple d’amis s’est agrandi et nous sommes désormais cinq.

Comment êtes-vous arrivés à produire un album ?

Anne Favret-Manez est à la batterie, son mari Patrick Manez à la basse, leur fille Anouk à la guitare, une amie à elle, Marie-Lou au clavier. De mon côté, j’écris les textes et chante. Répétitions, plaisir de jouer ensemble et puis, une super rencontre avec Christian Rinaudo. Il est directeur du labo de sociologie à la Fac de Nice et également musicien. Il s’est intéressé à nous et nous avons pu enregistrer dans l’incroyable studio qu’il possède dans sa maison. Une chance merveilleuse !

« Toujours dans la transversalité, l’album s’appelle Un acteur pour la Hammer du nom de la célèbre maison de production anglaise qui a produit les premiers Dracula en couleur. ».

Où peut-on trouver cet album ?

Depuis l’été 2022, il est diffusé sur des plateformes de musique comme Deezer ou Spotify mais depuis décembre, nous sommes comblés car le vinyle a été pressé. On peut l’acheter chez le disquaire niçois Hit Import.

 

Propos recueillis par Anne Emellina / Photos JC Dusanter et Olivier Marro