Quoi ? : Chef cuisinier créatif et engagé
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Vous le suivez peut-être sur Instagram et accroc au style Auscher, vous attendez avec impatience ses posts aux textes bien tournés et aux photos de plats design et colorés. Désormais niçois et chef sans restaurant fixe, il officie en indépendant et se veut raconteur de recettes pour partager sa passion au plus grand nombre.

Simon Auscher est un électron libre. Parce qu’il s’ennuie vite, parce qu’il aime les défis et parce qu’il est passionné, sa carrière ne suit pas une voie toute tracée et a récemment pris un tout nouveau tournant. Hier encore, il était à la tête de deux restaurants parisiens et se lançait dans la cantine volante pour entreprises. Aujourd’hui toujours, il est militant du goût éco-responsable, fou de légumes mais pas végétarien et aime se définir cuisiner artistique. Attentif à la qualité des produits qu’il utilise et cuisine de manière saisonnière et régionale, Simon est un bon vivant qui pense que tous les aliments sont nobles et que la magie du métier réside dans le bonheur que l’on peut procure en cuisinant pour les autres et en démocratisant ses idées et son savoir-faire. Son credo : une cuisine de tous les jours, peu de technique mais beaucoup de saveurs et des assiettes esthétiques et de partage.

 

Avez-vous toujours su que vous feriez de la cuisine votre métier ?

Ce que j’ai toujours su, c’est que j’aimais manger et cuisiner. Enfant, j’observais ma mère, je voulais toujours l’aider et c’est elle qui m’a transmis cette passion. Et puis, le repas chez nous, c’était très important parce que l’on se régalait et que la notion de partage de la nourriture est très forte dans ma culture à moitié camerounaise par ma mère. Il y avait une sorte de sacralité autour de la table. Concernant mes études, mes parents ne voyaient pas d’un bon œil la voie pro et j’ai été inscrit après le bac en école de commerce à Londres où j’ai certes appris l’anglais mais surtout bien fait la fête ! J’ai vite compris que mon destin était l’école hôtelière où je me suis diplômé dans ma ville à Strasbourg.

Quel a été votre parcours jusqu’à l’ouverture de votre premier restaurant ? 

 J’ai eu la chance de travailler dans de grandes maisons en cuisine à la Messardière à Saint Tropez, en tant que chef de rang au Thourmieux chez Jean-François Piège ou chez Philippe Labbé au Shangri-La. Je me suis découvert une passion pour la salle, le contact avec la clientèle, la magie du service, de la transmission, du partage en étant relais du chef souvent dans l’ombre en cuisine. Puis, j’ai été manager d’un restaurant français à Hong Kong où forcément, j’ai beaucoup appris, assez pour réaliser mon rêve, ouvrir mon premier établissement à Paris : Tannat en 2015 et le deuxième Anna en 2017.

Assez rapidement, vous vous êtes dirigés avec vos associés vers une restauration à engagement environnemental : comment avez-vous développé cette conscience, ce besoin ?

Cette conscience existait depuis longtemps, à la fois parce qu’un produit beau et sain change toute la face d’une recette et puis, en tant que restaurateur, on s’aperçoit de certaines aberrations quand on passe par les réseaux classiques d’approvisionnement. Par exemple, les oignons que vous avez commandés arrivent du Maroc alors que la France est un des premiers producteurs. Trop de déceptions sur la qualité et un besoin de s’engager sur le plan écologique et local. Tannat a été le premier restau labellisé Écotable : c’est un projet auquel j’ai participé car la fondatrice est une amie et auquel je crois toujours même si mes restaurants sont fermés, on ne revient pas en arrière sur les comportements vertueux.

 « Écotable, c’était une démarche évidente avec des critères comme proposer des produits bio ou locaux, composter ses déchets organiques, ne pas acheter d’espèces de poissons menacées … Aujourd’hui, je fais toujours partie du conseil d’administration de l’association même si je ne possède plus d’établissement. »

Avant de parler de votre actualité, on a envie de savoir comment vous avez réinventé la cuisine d’entreprise avec 11h59 ?

 En 2019, je me suis lancé avec deux associés pour rendre plaisant le repas du midi en entreprise. 11h59 portait l’idée de « la cause déjeuner » avec une équipe de chefs qui, avec l’amour des bons produits, de la cuisson juste et du plat bien assaisonné, proposait une carte aux plats de légumes et fruits de saison en travaillant au maximum avec des paysans locaux.  Et dans ce projet, il y avait aussi une dimension très importante qui est toujours celle que je défends : avec un même produit, on peut sortir un plat à chaque fois avec un goût, une texture, un visuel différent.

Et puis le confinement du au Covid est arrivé mais vous n’êtes pas du genre à rester sans projet ?

Le restaurant Tannat a été vendu juste avant le premier confinement, Anna était déjà fermé et cette période m’a permis de souffler et de réfléchir à m’investir dans quelque chose de moins contraignant que tenir un établissement. C’était du bonheur et de l’adrénaline mais tous ceux qui se sont lancés dans cette aventure connaissent la charge mentale et financière de ce boulot. Et puis la routine et moi, ça fait deux ! Je me suis remis à la cuisine à la maison, j’ai rédigé une première recette, je l’ai publiée sur Instagram, puis une autre et encore une autre et mon plaisir a été également de « raconter » à ma manière ma cuisine. J’aime écrire, je me la joue un peu poète, je séduis aussi avec les mots.

« Cuisinier professionnel et raconteur de recettes, je partage ma cuisine colorée et saisonnière accessible au plus grand nombre. Je vous apprendrai à cuisiner ce à quoi vous n’auriez pas pensé. »

 Quelles sont aujourd’hui vos différentes activités ?

 Instagram est au cœur de mon métier et il y a aussi une newsletter qui me permet de m’exprimer et de partager encore davantage d’idées, de conseils (https://simonauscher.substack.com ), comme un journal de bord de cuisinier avec des thèmes sur les régions du monde, les épices, toutes les façons d’agrémenter un plat, pour ouvrir des horizons différents, pour ne pas s’ennuyer. Et j’ai parallèlement commencé une carrière de chef indépendant qui me permet d’intervenir en tant que chef privé pour des particuliers plutôt huppés je dois le dire, lors de dîners privés pour des marques et en chef résident comme lors de ma collaboration avec le chef Victor Mai chez Nuances à Nice.

Parlez-nous de votre grande passion des légumes et d’autres produits que vous affectionnez.

 Le légume n’est pas juste un accompagnement. Il peut sembler insipide, étrange, un peu laid parfois mais chaque saison apporte des trésors de la terre que l’on peut rendre accessible à tous avec les bonnes recettes qui expliquent comment les rendre sexy et gourmands. J’adore les asperges par exemple, elles sont éphémères, il faut en profiter. Et puis il y a les produits africains que je veux utiliser de plus en plus mais qui ne se trouvent pas très facilement : le poivre du Penja du Cameroun, suave et complexe ou la banane plantain qui est ma madeleine de Proust.

Vous êtes niçois désormais, quels sont les endroits gourmands que vous avez découverts ?

 J’ai beaucoup aimé Le Lavomatic et Babel Babel. Mais, plus le temps passe et plus je suis conquis, touché par la cuisine simple, familiale et généreuse. J’ai découvert rue Arson un restau de quartier qui s’appelle L’Estérel où il y a des habitués, des gens seuls à midi qui peuvent y trouver une chaleur, une cuisine honnête et peu chère dans un cadre simple mais tellement convivial. Pour moi, c’est la restauration, offrir du plaisir sans chichi tout en respectant les produits et les clients.

Propos recueillis par Anne Emellina / Photos Simon Auscher