Quoi ? : Danseuse et chorégraphe fondatrice de la Compagnie Antipodes
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Lisie Philip souhaite désormais refuser les académismes. Cette danseuse a fondé la compagnie Antipodes spécialisée dans la danse en espace public et propose avec sa troupe des univers oniriques, décalés, à la fois poétiques et grinçants. À la rencontre d’une chorégraphe qui recherche des rapports différents avec le spectateur.

Après avoir dansé dans de grands ballets, Lisie Philip a voulu s’affranchir de certains carcans imposés par l’univers de la danse.  Elle a fondé Antipodes en 1998 dont la marque de fabrique est avant tout l’écriture chorégraphique de l’in situ. La compagnie est reconnue pour sa capacité à créer des spectacles singuliers et immersifs conçus pour des espaces publics, des lieux atypiques, des paysages naturels et urbains programmés en France et en Europe. Leurs créations touchent un large public, pas seulement celui initié à la danse. Toutes les possibilités offertes par l’extérieur sont exploitées sans ajout dans la scénographie car c’est la narration qui prime, le récit d’histoires à travers le dépassement physique des danseurs tout en gardant l’atmosphère des lieux et leur charge émotionnelle. En partenariat avec des structures et institutions variées, la compagnie Antipodes est très investie dans la transmission en milieu scolaire, carcéral ou hospitalier et gère également un lieu de création au 109 Pôle des Cultures Contemporaines à Nice.

Parlez-nous de votre découverte du monde de la danse ?

C’est assez exceptionnel mais j’ai commencé la danse tardivement, à 14 ans. C’est en voyant Les Uns et les Autres de Claude Lelouch que j’ai eu une révélation. Dans cette fresque historique où la musique et la danse constituent le fil conducteur et subliment avec émotion la condition humaine, on assiste au parcours constitué d’épreuves de quatre familles. Le film se clôt sur le Bolero de Ravel chorégraphié par Maurice Béjart et dansé par Jorge Donn ; on y retrouve les personnages autour d’un spectacle de 19 minutes où beauté et bonheur prennent le pas sur les drames de la vie. J’ai alors compris que je voulais faire ce métier, être danseuse pour vivre et apporter aux autres de telles émotions.

Quel a été alors votre parcours pour réussir à devenir professionnelle ?

J’ai suivi des cours de manière intensive puis lorsque j’ai appris que Maurice Béjart avait une école de perfectionnement, j’ai décidé de passer des auditions pour être intégrée. Je suis un être de volonté et je n’ai pas laissé tomber malgré les premiers échecs. Puis les choses se sont enchaînées, j’ai pu danser au Béjart Ballet Lausanne, à l’opéra de Zürich qui possède son propre ballet, au Grand Théâtre de Genève et j’ai également eu une carrière de soliste.

« J’ai toujours aimé danser mais je me suis aussi intéressée à la chorégraphie. Lorsque j’ai fondé la Compagnie Antipodes, j’ai voulu en quelque sorte me décoller de ce que j’avais appris, trouver des formes moins sclérosantes »

Pourquoi cette décision d’une compagnie qui investit l’espace public ?

J’ai souhaité des rapports différents avec le spectateur tendant vers l’intime et le partage, croiser les yeux du public ce qui est presque impossible sur une scène, être dans la rencontre avec l’autre, voir ses réactions autour de corps dansants. Nous aimons utiliser toutes les possibilités offertes par la rue (mobilier urbain, architecture) et nous travaillons à une écriture chorégraphique et dramaturgique pour et dans l’espace public. Les danseurs sont des interprètes, ils incarnent des personnages au milieu de la réalité urbaine, d’une fontaine, sur un banc public, dans un arbre … il y a beaucoup de pas acrobatiques, des efforts d’endurance, des barrières à franchir …

Quels sont les thèmes, les messages des créations, des « fictions oniriques » comme vous les appelez ?

Dans La Fille d’Attente, une adolescente a l’impression que le monde lui va comme un vêtement trop grand.  Elle hésite, attend, grandit sans savoir si elle va réussir à voler de ses propres ailes. Dans Le spectacle La ferme inspiré par l’œuvre de Georges Orwell, le personnage fantasque et autoritaire s’agite sur son chariot élévateur et range, manipule, ordonne les animaux que nous sommes. Le monde du travail, l’idéal de croissance, l’urgence, la course, le contrôle et la domination sont les thèmes abordés. Femme en chantier est un parcours chorégraphique de la femme parfaite et des stéréotypes qu’on lui impose.

Lisie est entourée de professionnels (danseurs, compositeurs, vidéastes …) et des programmateurs lui passent commande d’œuvres in situ.

Qui sont les programmateurs avec lesquels vous travaillez ?

Il y en a beaucoup : Lieux Publics à Marseille qui est un centre national de création en espace public et qui accompagne les artistes de toutes disciplines, le Forum d’architecture et d’urbanisme de la ville de Nice, des musées comme le Musée de la Photographie Charles Nègre, le Musée des Arts Asiatiques, le MAMAC pour des performances muséales … Les actions de la compagnie Antipodes s’inscrivent dans le cadre des politiques culturelles publiques portées par l’État et les collectivités locales comme la Ville de Nice, le Conseil Départemental des Alpes-Maritimes ou encore le Conseil Régional Provence Alpes Côte d’Azur.

Pouvez-vous nous parler précisément du 109 ?

Depuis 2018, la compagnie Antipodes est gestionnaire d’un lieu de création, le Studio Antipodes, situé au 109, Pôle des Cultures Contemporaines. Nous y sommes en résidence permanente. C’est lieu de rencontres autour de trainings, laboratoires, de stages ouverts à tous avec comme fil conducteur le travail du corps. C’est un lieu de monstration de création en cours ou abouties de la Compagnie Antipodes ou d’artistes accueillis en résidence. Un lieu d’ébullition créative.

Peut-on venir à la Compagnie Antipodes pour prendre des cours de danse ?

La compagnie n’est pas une école. C’est un lieu de répétitions pour des danseurs pro, de création, de fabrique de spectacles. Nous sommes également très investis dans la transmission que ce soit en milieu scolaire, carcéral ou hospitalier. Pour moi, la danse est un outil de médiation, un moyen de renouer avec son corps et de se reconnecter à la société mais je veux offrir des clés de compréhension du monde chorégraphique avec des ateliers, pas des leçons de danse. La compagnie travaille avec les établissements scolaires et le ministère de la Justice, elle est intégrée au plan 100 % Culture à l’Ēcole, en crèche avec les Ateliers Bim Bam Boum, ceux de pratique au STAPS à l’université de Nice ou encore en 6ème Culture au collège Don Bosco.

« Tu aimes la danse, tu souhaites rencontrer des artistes de tous horizons, d’ici et d’ailleurs, les arts des rues, t’investir pour la culture ? Rejoins-nous lors des festivals.”

Quels sont les prochains évènements à Nice ouverts au public ?

Il y a bientôt Le Festival Temps Danse Extérieur – 3 jours pour voir, faire et vivre la danse les 17, 18 et 19 mai 2024 qui se déroulera à la Coulée Verte. L’objectif est de permettre à de jeunes élèves de co-construire une proposition chorégraphique qui sera présentée en ouverture du festival. Des spectacles d’artistes sont ensuite programmés. Et depuis janvier, un atelier gratuit qui ne demande aucun pré-requis artistique permet, dans le quartier du 109, d’écrire une déambulation chorégraphique, musicale et théâtrale. À l’issue de ces ateliers, une représentation sera proposée du 24 au 26 mai 2024 lors du Festival Eclairage Publique organisée par la ville de Nice, mêlant artistes professionnels et amateurs.

Propos recueillis par Anne Emellina / Photos ©Frédéric de Faverney, ©Frédéric Pasquini, ©Hugo Gueniffey, ©Estelle Magnan