Depuis le printemps et pendant tout l’été, Nice rend hommage à La Victorine, ses studios mythiques qui virent naître entres autres films cultes « Les enfants du paradis » et « La nuit américaine ». Flashback sur une lady centenaire qui jadis fut une starlette pleine de promesses.

Sur une petite colline discrète à l’ouest de la ville, entre le cimetière de Caucade et l’aéroport de Nice, entre les morts et les vivants, la Victorine a traversé le siècle avec des fortunes diverses, témoin de son siècle et de l’histoire du cinématographe.

Mais depuis le nouveau millénaire les niçois s’inquiétaient pour elle, sentant parfois que ses jours étaient comptés. Seules quelques rares nouvelles leur parvenaient par le Nice-Matin annonçant un tournage en ville, ou par des proches travaillant aux studios. Car La Victorine fait partie de la famille, son destin a toujours été étroitement lié à la ville.

Cet hommage au moment où le gâteau d’anniversaire brille de cent bougies comme autant de sunlight sur un plateau, serait-il un baroud d’honneur ou la promesse d’une renaissance ?

Sur la bien nommée avenue Marcel-Carné, une enseigne affiche en lettres rétro « Studios de la Victorine ». Bienvenue dans l’ex villa Rex Ingram qui vit éclore l’un des haut lieux du cinéma français.

En 1876 le Duc de Rivoli, se fait bâtir à l’entrée ouest de la ville une villégiature au nom de sa nièce, Victorine. Une demeure qui allait devenir le temple du 7éme art. Nice est alors un théâtre à ciel ouvert ou aristocrates et mondains, jouent la dolce vita sans scénario. Avec la naissance du cinématographe, la lumière du sud attire d’autres acteurs. En 1896, les frères Lumière filment le carnaval. Charles Pathé s’y installe au début du siècle. Gaumont lui emboite le pas au cœur de la grande guerre. En 1919 Serge Sandberg, un industriel en charge de la succursale russe de Pathé fait rentrer Nice dans la carrière. Avec son associé Ils produisent en 1919 au Parc Liserb de Cimiez La Sultane de l’amour une variation des Mille et une nuits. Suite au succès de ce blockbuster muet la Victorine devient à la belle époque le petit Hollywood français. Des studios satellites s’ouvrent partout dans le comté.Louis Feuillade déclare en 1917 : « Nice est devenue Cinémapolis ! » Jean Vigo y réalise « à Propos de Nice », un poème filmé. Rex Ingram qui a révélé Rudolph Valentino apporte sa pierre à l’édifice en tournant à la Victorine plusieurs fantaisies orientalistes dont en 1939 « Le Jardin d’Allah », un des premiers films en couleur avec Charles Boyer.

Mais au temps béni des grands studios, la Victorine reste l’atelier délocalisé de la capitale. L’occupation allemande change la donne. Les années 40 confirment la réputation des studios qui en zone libre, accouchent de décors remarquables pour Macao, l’enfer du jeu ou Les Visiteurs du soir. La Victorine entre dans la légende en 1942  avec le tournage emblématique des Enfants du paradis. Sous l’impulsion de Prévert et Carné on y reconstruit un Panam sans bruits de botte mais qui résonne bientôt dans le landernau du 7 éme art.

La Victorine draine dés lors la nouvelle génération : Clouzot vient y percer Le Mystère Picasso. Vadim y relaye le tournage tropézien de « Et Dieu… créa la femme » Pour Tati elle devient le laboratoire de la villa futuriste de Mon Oncle. Le soleil et la vogue de la Cote, drainent alors dans ces palaces, du Négresco au Palais de la Méditerranée, le gotha de la profession en goguette : Hitchcock, Guitry, Marais, Cocteau et bien d’autres. Nice et la Victorine ne font plus qu’un !

La nouvelle vague sonnera le glas des studios de papa. Quand Truffaut installe en 1972 ses cameras à la Victorine c’est pour filmer le studio comme un décors naturel qui accueille sa propre équipe de tournage. « La Nuit américaine », chronique d’une mort annoncée ? Après cet hommage la Victorine subit l’engouement des réalisateurs pour les tournages en extérieurs. Son plus fidèle pensionnaire, Georges Lautner, l’enfant du pays, ne cessera d’y tourner. Dix huit films au total dont onze en totalité (Ne nous fâchons pas, Les seins de glace, Joyeuses Pâques avec Belmondo etc.). Un autre inconditionnel plus furtif : « 007 » himself. La saga des James Bond se passe difficilement d’une scène glamour ou d’une cacade sur fond d’azur (Jamais plus jamais, Golden Eye, Les diamants sont éternels).

Nouveau sursis en 1985 ! Michael Douglas et son frère Joël débarquent à Nice avec dans leur bagage un grand film d’aventure « Le Diamant du Nil ». La production investie la maison qui servit de décors à La nuit américaine. Mais le tournage bouclé, les blockbusters annoncés ne suivent pas. Le shooting de « Prince » à Nice pour son film musical « Under the Cherry Moon » se solde par un échec commercial en 1986. Autre coup fatal, trois ans plus tard, le maire Jacques Médecin mis en examen s’exile en Uruguay. Les studios gardent la tête hors de l’eau grâce aux budgets des tournages publicitaires et quelques séquences de longs-métrages venus de la capitale ou d’ailleurs (Je hais les acteurs, Wings of fame avec Peter O’ Toole etc.) Car hors ses plateaux et ses techniciens, Nice dispose d’un attractif panel de décors naturels : mer, montagne, ville, villages typiques ou demeures de milliardaires. Le tout dans un rayon de 30 kilomètres. Mais la facture est douloureuse. Héberger une équipe à Nice n’a jamais été à la portée de toutes les bourses. La crise creuse l’écart. Les productions anglo-saxonnes se souvenant d’Hitchcock, venu en 1955 en Riviera pour « la Main au collet »  y reviendront toutefois : John Frankenheimer (Ronin avec De Niro), La comédie musicale québécoise « Les misérables », Woody Allen en 2014  avec « Magic in the Moonlight » et plus récemment « Absolutely Fabulous », le film inspiré de la série culte avec Joanna Lumley.

De l’âge d’or de la Victorine il reste quelques souvenirs sépia. Personne n’a oublié dans les trente glorieuses le magasinier Martial, Nino l’électro, Monzoni le menuisier, Alma la directrice de casting pas plus qu’Henriette Marello*, la cantinière star que Bebel et Delon exigeaient dans leur contrat au grand dam des régisseurs craignant à l’instar de René Brun « que les repas ne prennent des allures de banquets ! »

Ces souvenirs et bien d’autres plus anciens encore, vous les retrouverez au fil de la programmation qui célèbre le centenaire du studio depuis ce printemps. Mais la ville déroule également un plan de relance. Eric Garandeau l’ancien président du CNC, et ex vice-président du conseil d’administration du festival de Cannes a été commissionné par Christian Estrosi pour rendre un rapport sur l’avenir de la Victorine. La réflexion porte sur des enjeux de modernisation et de diversification afin de faire face à la révolution numérique, à la 3D, à l’industrie des jeux vidéo.

Une Victorine 2.0 verra t’elle bientôt le jour ? Cette fois pas de droit à l’erreur car comme le dit une célèbre proverbe niçois si cher au regretté Georges Lautner : « Quand passent les grives il ne faut pas manquer de cartouches ! »

 

Par Olivier Marro  

 

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LA PROGRAMATION 

De mai 2019 à janvier 2020, la biennale des Arts de Nice célèbre le cinéma.

 

  • La Victorine dans l’œil des Mirkine.

Témoins de l’âge d’or du cinéma français et du Festival de Cannes, Léo et Siki Mirkine ont bâti en un demi-siècle une collection d’images rares et intimes qui dévoilent de l’intérieur le tournage de cent cinquante films cultes du 7ème art dont près d’un tiers aux Studios de la Victorine. Plongé dans l’univers glamour des Studios, et les coulisses des plateaux.
Du 31 mai au 25 septembre, Place Masséna
Du 27 au 29 septembre, Studios de la Victorine (journées portes ouvertes)

 

  • Nice, Cinémapolis

La Villa Masséna sous le Commissariat de Jean-Jacques Aillagon,  retrace les rapports de la ville au septième art. 123 ans d’alliance entre le 7e art, et Nice sont ainsi célébrés à travers l’exposition dont le titre est emprunté à Louis Feuillade, le réalisateur des Fantomas mort à Nice en 1925.« Nice, Cinémapolis » est aussi un hommage à Henri Langlois, fondateur de la Cinémathèque française qui, parrainant en 1976, la création de la Cinémathèque de Nice, présentait dans la cité l’exposition  « 80 ans de cinéma à Nice ».

Tarifs 10 €. Entrée gratuite pour les résidents de la Métropole Nice Côte d’Azur

Du 17 mai au 30 septembre.

Musée Masséna

65 Rue de France, 06000 Nice

 

  • Le Diable au corps. Quand l’Op Art électrise le cinéma

En partenariat avec La Cinémathèque française.

Au début des années 1960, l’art cinétique s’impose partout en Europe avec un double crédo : déstabiliser la perception et démocratiser l’art. Peintures à illusions d’optique, reliefs à lumière motorisés, et environnements à vertige offrent des expériences de plaisir et d’inconfort. À travers près de 30 films, 150 œuvres et documents, l’exposition explore l’origine de cette fascination prédatrice, et envisage ce que le cinéma révèle à l’Op Art de sa propre nature.

17 Mai 2019 – 29 Sep 2019

MAMAC

1 Place Yves Klein, 06000 Nice

 

  • Ben et ses invités. La vie est un film

Plus de 500 œuvres de Ben, retraçant 50 ans de création sur de 2000 mètres carrés, une exposition que Ben a choisi de partager avec des invités, artistes, amis de longue date ou jeunes créateurs. Cet espace en perpétuel mouvement accueillera production filmée, événements, performances et débats, si chers à l’artiste.

 

15 Juin 2019 – 19 Octobre 2019

Le 109

89, route de Turin, 06300 Nice

 

  • L’âge du double Brice Dellsperger

Brice Dellsperger, présente plusieurs œuvres de la série des films Body Double dont le titre fait référence au célèbre film de Brian de Palma (Body Double, 1984). Son travail exclusivement vidéo se concentre sur une relecture de certains moments du cinéma. Les questions du genre, du travestissement, du miroir et de la répétition y sont traitées comme dans un jeu de kaléidoscope perpétuel. Les vidéos Body Double agissent en tant que doublures de séquences extraites du cinéma des années 1970 et 1980

28 Juin 2019 – 28 Sep 2019

La Station. Le “109”

89, route de Turin, 06300 Nice

 

 

  • Brice Dellsperger / Body Double 36

Dans la lignée de la série Body Double, Brice Dellsperger présente Body Double 36, une installation vidéo multi-écrans d’après le film Perfect (James Bridges, 1985), produite et réalisée pour l’occasion, in situ dans la Galerie Carrée du centre d’art.

30 Juin 2019 – 13 Oct 2019

Villa Arson

20 Avenue Stephen Liegeard, 06100 Nice

 

  • Cinématisse

Une exposition qui explore la relation du peintre Henri Matisse au grand écran

19 septembre au 5 janvier

Musée Matisse

164 Avenue des Arènes de Cimiez, 06000 Nice

 

  • L’Envers du décor

Trois journées portes ouvertes aux studios de la Victorine, du 27 au 29 septembre. A découvrir : les plateaux, les ateliers et espaces extérieurs de tournage. Un hommage sera rendu à deux films « Les Enfants  du Paradis » et « La Nuit américaine  » grâce à deux installations artistiques en partenariat avec La Cinémathèque française. Pour composer la bande-son de « L’envers du décor », le « Nice Classic Live » réalisera en partenariat avec le Conservatoire une programmation inédite de concerts et de master  classes autour de compositeurs prestigieux de musique de films : Francis Lai, Maurice Jaubert, Michel Legrand et Joseph Kosma.

Les Studios de la Victorine

16 Avenue Edouard Grinda 06200 Nice

Tél : 04 97 25 81 81

http://studiosdelavictorine.fr/

 

L’Odyssée du cinéma Nice 2019 –

Renseignements : www.cinema2019.nice.fr