Quoi ? : Exposition Mounira Al Solh
Où ? : Musée national Pablo Picasso - La Guerre et la Paix Place de la Libération
Quand ? : 11 juillet au 2 novembre 2020 tous les jours sauf le mardi de 10 à 18.00
Combien ? : Plein tarif : 6 € Tarif réduit : 3 €
Des Questions ? : 04 93 64 71 83
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L'œuvre de l'artiste Mounira Al Solh mêle des histoires collectives à son histoire personnelle. Autant de manières d’évoquer la résilience face aux conflits et enjeu contemporains : crise à Beyrouth, réfugiés syriens, place de la femme dans la société libanaise et arabe en général.

Fidèle à la ligne directrice de  sa programmation, le Musée National Picasso accueille une nouvelle installation en écho au message politique de celui qui en a décoré la chapelle par sa célèbre fresque. Dans le cadre des Parallèles du Sud de la Biennale Manifesta, c’est l’artiste libanaise Mounira Al Solh née à Beyrouth en 1978 d’une mère syrienne et d’un père libanais qui est invitée.

Celle dont les travaux ont été exposés à la 56e Biennale de Venise (2015), à la Documenta 14 à Athènes et Kassel (2017) et lors d’expositions personnelles à l’Art Institute de Chicago et au Mathaf à Doha (2018) présente ici un nouveau volet baptisé comme à l’accoutumé par un long intitulé extrait de son raisonnement discursif : « mon heure préférée est une heure de la nuit : Al Fahma ». Un titre qui illustre bien l’exposition puisqu’elle repose sur le témoignage, celui de cinq femmes du monde arabe.

Ces récits qui ont été brodés par l’artiste sur la toile d’une tente aux allures traditionnelles mais tendue sur un parasol un peu kitsch. Dans cet espace intime et protecteur où la parole est encore libre se lit entre des motifs ornementaux traditionnels le combat pour l’émancipation de jour (dans la sphère publique) comme de nuit (dans le foyer) de Georgette (voir ci-dessous) et consœurs féminines.

Vingt-quatre mots arabes transformant les heures du jour et de la nuit en sensations ou des éléments du réel comme énoncés par le poète perse Abu Mansur al Tha’alibi sont également brodés et lus par la chanteuse libanaise Rima Khcheiche par un mégaphone, comme pour mieux insister sur leur caractère hypnotique. Al Fahmah, heure de la nuit qui se traduit par « charbon » a ainsi donné son nom à l’exposition.

Face à l’œuvre nomade et à l’entrée de la Chapelle, une autre œuvre réalisée pendant le confinement avec les moyens du bord du fait des restrictions (café, curcumin, …). Elle fait écho à la chapelle voisine mais le guerrier de Picasso est devenu une femme, à l’image de toutes celles qui ont mené la révolution libanaise d’octobre 2019 contre la corruption des gouvernants. La toile figure la difficulté pour les femmes de ne se faire entendre et la liste de leurs revendications pour une vie meilleure et pacifiée.

Textes brodés (sélection)

« Lorsque mon mari est décédé, mes enfants n’avaient pas encore dix-huit ans. Je n’étais pas autorisée à faire quoi que ce soit sans avoir obtenu un certificat de l’église. Ce document intitulé « Waraqet Wissayeh wa Qaymumeh » m’a coûté 2 500 $. Sans ce document, je n’avais pas le droit de leur faire de passeports, ni de vendre une propriété par exemple. Comme si l’État libanais s’occupait mieux de mes enfants que moi-même ! Or, si c’était moi qui étais décédée, mon mari n’aurait jamais eu besoin de ce certificat ni rencontré de tels problèmes ! Je me suis sentie au plus bas de l’échelle sociale. Je me suis vêtue de noir durant deux mois après la disparition de mon mari, mais cela me déprimait vraiment beaucoup. D’habitude j’aime porter des vêtements colorés. Je travaille très dur chaque jour, je possède mon propre salon de pédicure, et j’ai besoin de l’énergie des couleurs pour bien m’occuper de mes clients ! Or la coutume, dans le pays d’où je viens, le Liban, est de s’habiller en noir durant au moins un an après la mort de son époux. Une nuit, j’ai rêvé que je me tenais au milieu de la rue et criais : « Je suis une prostituée, OK ? Juste parce que je ne supporte pas d’être habillée en noir ! ». Le lendemain, j’ai décidé de porter à nouveau des couleurs – pour m’encourager à continuer de vivre, et pour ignorer ce que les gens allaient dire sur le non-respect de cette coutume. J’étais sûre que mon mari bien-aimé n’aurait pas porté du noir durant toute une année si j’étais décédée, et sûre aussi qu’il comprenait mon chagrin, même si mon deuil ne passait pas par ma garde-robe. »

(Georgette)

 Le Petit Plus : Profitez de l’expo pour voir ou revoir le Musée de la Céramique et celui du peintre italien Alberto Magnelli

Par Eric Foucher