La Fondation CAB accueille une exposition hors les murs de la Villa Noailles, à l’occasion du centenaire de cette dernière. Elle met en lumière le travail de redécouverte du Mouvement Moderne des années 20 par Andrée Putman, grande designer disparue il y a dix ans.
C’est une exposition inédite de celle que l’on appelait « le Grande dame du design » que l’on découvre dans plusieurs salles de la Fondation CAB avec une scénographie de sa fille Olivia, paysagiste et architecte d’intérieur et au commissariat d’Eléa Legangneux, historienne chercheure, spécialiste des Arts décoratifs français du XX ème siècle.
En promenant son regard sur les photos, archives et objets design, c’est tout en pan de la culture du 20ème siècle qui rejaillit sous nos yeux grâce aux hérauts que furent Karl Lagerfeld, Jean-Michel Basquiat, Peter Lindberg, Yves Saint Laurent, Pierre et Gilles et tant d’autres avec qui elle a partagé son amour du beau.
Andrée Putman est une enfant de cette folle décennie des années 20 où de très grands noms de l’architecture et du design marquèrent pour toujours l’histoire avant de sombrer pour la grande majorité dans l’oubli.
Comme un signe du destin qui l’attend, elle naît en 1925, date de la grande Exposition Internationale des Arts décoratifs et industriels modernes à Paris. Elle grandit dans une famille bourgeoise et férue d’art et côtoie le bouillonnant Saint Germain-des-Prés d’après-guerre.
Ce n’est qu’au début des années 1960, en compagnie de son époux l’éditeur et critique d’art Jacques Putman, qu’elle découvre la production des artisans et artistes de ces années 20 restée confidentielle.
La plupart des meubles créés dans les années 1920 a disparu, de nombreuses créations sont restées à l’état de dessins ou de prototypes et très peu de modèles ont été produits et commercialisés.
Elle collabore avec la revue d’art l’Œil puis intègre l’équipe de Denis Fayolle chez Prisunic qui s’est donné pour mission de démocratiser le design dans les objets de tous les jours. Avec son mari, elle propose à des artistes de renom de créer des estampes signées et numérotées de leurs tableaux vendues à prix modiques afin de démocratiser l’accès à l’art. Arman, Christo, Pierre Alechinsky, Jean Messagier, et beaucoup d’autres répondront présent.
Favoriser les collaborations sera son fer de lance. En 1971, elle crée avec son ami Didier Grumbach la société « Créateurs et Industriels » pour fédérer les disciplines artistiques.
Le showroom de la rue de Rennes où l’on trouve entre autres les créations de Thierry Mugler, Jean-Charles de Castelbajac, Issey Miyake sera considéré comme un précurseur de ce que l’on appellera plus tard des « concept-stores ».
Ce n’est qu’en 1978 qu’elle crée sa société de réédition « Ecart international » et débute véritablement sa carrière d’architecte d’intérieur qui la fera connaître aux quatre coins du monde.
Elle réintroduit les créations intemporelles dans les commandes qui lui sont confiées, de l’Hôtel Morgans à New-York aux aménagements réalisés pour Karl Lagerfeld à Rome ou à Paris qui sont présentés dans les différentes salles de la fondation.
Présenté dans de très nombreux magazine, son loft de Saint Germain devient sa signature où elle, comme Mies Van der Rohe en son temps, préconise l’épure (« less is more »).
« Je crois que cette opération, la soustraction, est à la base de tout mon travail. J’ai établi un équilibre entre ce qui doit disparaître et ce qui doit apparaître avec force (…) en n’oubliant jamais d’apporter de la douceur. »
Correspondance, photos, croquis de la fumeuse et noctambule invétérée (du Palace au Studio 54) ponctue cette belle exposition de celle qui a contribué à faire passer à la postérité des icônes du design (Eileen Grey, Robert Mallet-Stevens, Pierre Chareau, Le Corbusier et tant d’autres)
Par Eric Foucher