Le musée de la photographie célèbre l’américaine Vivian Maier, gouvernante devenue photographe autodidacte, révélée après sa mort. L’exposition Anthology présente 140 œuvres, illustrant son talent unique à la croisée de photographie humaniste et de la street photography.
Vivian Maier (1926-2009) a été gouvernante d’enfants à Chicago pendant plus de quarante ans, vivant dans l’ombre jusqu’à la découverte de son impressionnant corpus photographique en 2007, qui comprend plus de 120 000 négatifs, des films, des enregistrements et de nombreuses pellicules non développées. L’exposition Anthology, avec une sélection de 140 images et vidéos, met en lumière la qualité de son regard et la façon dont elle a su s’approprier le langage visuel de son époque, offrant un aperçu de l’ampleur de son œuvre.
« Totalement autodidacte, Vivian Maier photographiait la rue, des gens, des objets, des paysages ; en définitive, elle photographiait ce qu’elle voyait, tout simplement, abruptement » déclare Anne Morin, la commissaire de l’exposition.
Celle-ci a organisé l’exposition en diverses section thématiques.
Les autoportraits de Vivian Maier sont omniprésents dans son œuvre et utilisent divers procédés visuels comme les ombres, reflets et images dans l’image pour signifier sa présence.
Tantôt discrets, tantôt affirmés, ces indices varient et révèlent une quête de soi, tout en invitant le spectateur à une énigmatique chasse aux indices.
L’autoportrait devient pour Maier une manière d’affirmer sa place dans le monde.
Les portraits de Vivian Maier reflètent son intérêt pour l’autre et la vie quotidienne. Ils incluent à la fois des instantanés pris furtivement et des portraits plus intimes résultant de véritables rencontres. Ses sujets varient entre les classes sociales : elle s’identifie souvent à la classe ouvrière et aux sans-abris, capturant leurs visages à distance pour les protéger. En revanche, pour les personnes plus aisées, elle provoque parfois des réactions négatives qu’elle immortalise avec ironie.
Les scènes de rue de Vivian Maier plongent au cœur des quartiers populaires de New York et Chicago, révélant un monde marginal, à la fois dur et tendre, en dehors du rêve américain.
Ses photographies capturent la beauté du banal à travers des personnages anonymes et des détails subtils de la vie quotidienne.
La rue est son théâtre, où elle observe sans intervenir, restant à distance. Ce rapport à l’espace et à “l’autre” structure toute son œuvre, avec une précision dans le cadrage qui souligne son originalité et son approche unique.
L’enfance occupe une place centrale dans l’œuvre de Vivian Maier, reflétant son métier de gouvernante. Les enfants sont souvent ses sujets principaux, seuls ou en groupe, capturés dans des moments de jeu ou d’interaction avec les adultes. Ceux dont elle s’occupe deviennent aussi ses modèles, participant à des mises en scène, portraits et histoires. À travers eux, Maier explore les liens entre générations, tout en découvrant de nouveaux lieux et récits au fil de ses promenades
La section “Formalisme” illustre l’intérêt de Vivian Maier pour l’acte de photographier lui-même, au-delà de la signification de l’image. Elle capture des personnes, des rues, des objets et des paysages, en se concentrant sur les aspects formels de ses sujets. Ses photographies se distinguent par leur cadrage et leur équilibre, souvent prises de face avec une précision pratique. Dans cette section, ses œuvres minimalistes mettent en avant des structures, formes et géométries, parfois réduites à des éléments accessoires, révélant son approche visuelle très épurée
À partir de 1965, Vivian Maier passe à la photographie couleur avec un Leica à visée à hauteur des yeux et non plus un Rolleiflex, ce qui change son cadre et améliore son contact visuel avec ses sujets.
Elle développe un style unique en jouant avec les contrastes, les détails criards et les dissonances de la mode, créant des images libres et ludiques.
Vivian Maier se lance aussi dans la réalisation de films Super 8 au début des années 60 , en lien direct avec son langage photographique. Sans narration ni mouvements de caméra, elle capture des moments du quotidien, zoomant sur des détails ou des attitudes, tels que des jambes ou des mains dans la foule. Ses films mêlent documentaire, avec des scènes comme un homme arrêté par la police, et contemplation, comme une procession de moutons vers les abattoirs.
Le Petit Plus : Projection du film documentaire « À la recherche de Vivian Meier » (84 mn) avec 3 séances par jour (10h30, 14h00 et 15h45)
Par Eric Foucher